En cherchant bien, on trouvera dans les clips de Manicure un lien avec leur nom. Un tel teint de cachet d’aspirine (ou d’ecstasy?), ça vous incite fissa à contracter un abonnement premium au salon de beauté le plus proche. Jugez plutôt avec quelle gaîté chante Zhenia Novikov, très raccord avec ce teint hâve qu’on pourrait croire cultivé dans le grésil du nord anglais.
A Moscou aussi il fait parfois un temps si désespérant qu’après tout, hein, faire le glaçon dehors ou jouer du rock dans une cave, on peut hésiter. Et on a l’impression qu’ils ont longtemps hésité entre les deux. A la fois définitivement usés par la monotonie du gel, et les nerfs à vif de pouvoir se déchainer.
Manicure, trio devenu quatuor, déjà un EP et deux albums au compteur, a plu aux anglo-saxons. Ils sont bien pourvus chez eux, mais de la new wave de ce calibre ne devait pas passer inaperçue. On est quelque part vers 1980, pile à la jonction du post-punk et de la new wave, de Joy division (l’imitation est parfois un peu trop poussée) et de the Fall (Rave, et déjà en 2009 While parents sleep), de the Cure et Depeche Mode.
Il y a bien de petits défauts sur Grow up, mais les voix des deux soeurs matent nos réticences. La basse est martiale, la batterie correctement dosée, les claviers magnétiques. D’abord on peine à sortir de Repetition et Lights are on, qui placent d’emblée la barre assez haut. Mais le faux-rythme de Bored to death montre qu’ils ont bien appris leur petit Ian Curtis illustré, comme sur Korgsong. Etre sinistre et faire danser, ce n’est pas si facile.
Puis sur The dream on saisit. Ils sont aussi capables de faire de la pop, une pop sombre et synthétique, qui se marie à merveille avec la dureté de la new wave. N’empêche. Danser, dîtes-vous? Ok. On en a une pour vous, on se la garde pour la fin, quand les pulls ont valsé, que les épaules se sont dénudées et les pommettes ont rosi et ne demandent plus qu’à rougir. Through the night pourrait venir d’une chute d’Ariel Pink ou Cliff Martinez. Le chant désabusé de Zhenia, vaguement dépassé par l’abandon désinvolte de la mélodie, y fait des merveilles. The Cure enlaçant Madonna.
Reste la partie compliquée… se procurer ce petit bijou. Le mieux serait encore de trouver un disquaire compatissant, ou de télécharger Grow up gratuitement. Vous en profiterez pour chercher au passage l’album de 2009, et son remarquable Atomic summer.