PS’Playlist décembre 2013 (Thomas, Jean-Sébastien, Catnatt & Olivier)
Les playlists de décembre sont une sélection de trois morceaux par contributeur du site, représentative de leur année 2013 : des chansons actuelles ou anciennes, celles qui sont revenues comme un leitmotiv tout le long de l'année ou des découvertes ; le tout accompagné d'un texte personnel. Elles sont réunies par groupe de quatre ou cinq plombiers.
Pierre Lapointe – “Nos joies répétitives”
Extrait de Punkt – 2013 – Mec qui chante
Dominique A – “Je suis une ville”
Extrait de Remué – 1999 – Mec qui chante
Bertrand Betsch – “Les mots ont leur importance”
Extrait de Pas de bras, pas de chocolat – 2004 – Mec qui chante
Le métro boulot dodo n’est pas si désagréable quand on retrouve chaque soir ceux qu’on aime. Une routine rassurante mais stoppée net par au beau milieu de l’automne par une autre routine qui s’est imposée à moi (à nous) : trois semaines passées à l’hôpital aux côtés d’une petite fille de 3 ans. Succession infinie de nouveaux rituels, de soins répétitifs, de preuves d’amour à réinventer pour ne pas montrer qu’on a peur, pour oublier que c’est long. La fantaisie bigarrée de Pierre Lapointe, qui cache des abîmes de détresse, exprime ça avec grâce.
Changer de ville. Il le faut, maintenant. Cette étrange année 2013 achevée, 2014 sera celle du changement, symbolisé par un bond géographique qui fera pointer un peu plus nos boussoles vers le nord. La ville où nous végétons n’est pas compatible avec nous, nos aspirations, nos humeurs. Elle est faite d’huile et nous sommes l’eau, à moins que ce soit l’inverse. J’ai toujours eu l’impression d’être cette ville dont parle Dominique A dans sa chanson, celle que l’on quitte, vers laquelle on revient éventuellement, mais dont on oublie parfois qu’elle a un coeur. Il est temps de songer un peu à l’égoïsme, d’être celui qui part sans se retourner, toujours fermement ancré aux siens.
Dix ans que Bertrand Betsch m’accompagne dans mes bouffées délirantes comme dans mes moments de spleen. Qu’il allège mon quotidien comme un confident à qui on n’aurait rien besoin de dire pour qu’il comprenne. Dix ans que je me trainais cette chanson comme hymne, aimant passionnément ses paroles sans vraiment les relier à mon existence propre. Mais 2013 fut pour moi une vraie année d’introspection, la première de ma vie. Moi qui ne ne réserve habituellement mes analyses psychologiques qu’aux films que je vois et aux gens que je croise, ai enfin daigné regarder mon nombril. J’ai regardé qui j’étais et ce qu’il serait bon de changer. Mon rapport aux mots m’a sauté au visage, le trop peu de sens que je leur accordais souvent sous prétexte de légèreté. Les mots ont leur importance. Cette année, j’ai compris ça, et ce n’est pas Bertrand Betsch qui me contredira.
Suuns – “2020”
Extrait d’Images du futur (2013)
Todd Terje – “Strandbar (Disko)”
Extrait de Strandbar (2013)
Dhafer Youssef – “Les ondes orientales”
Extrait d’Abu Nawas Rhapsody (2010)
Les années difficiles se reconnaissent souvent à notre manière d’écouter de la musique. 2013 a certainement été la pire à l’échelle de ma petite vie. Ascenseur émotionnel, grand huit permanent entre malheur définitif et moments de grâce jusqu’alors inconnus. Cette année m’a laissé peu de temps pour découvrir toutes les nouveautés que j’aurais voulu écouter. J’ai donc fait confiance aux gens que j’aimais pour me laisser guider. Outre les trois piliers mentionné ci-dessus, 2013 m’a tout de même permis de me pencher ou repencher sur des artistes dont je sais qu’ils m’accompagneront pendant longtemps encore : Lower Dens, Scout Niblett, Jon Hopkins, Arcade Fire, Alex Beaupain, Team Ghost, Tricky, Nine Inch Nails, Gesaffelstein, Nosaj Thing, Trentemøller, Etienne Daho ou Depeche Mode (forcément).
La révélation. Suuns restera LA découverte de 2013 pour moi. Celle révélée par la personne que l’on aime alors le plus au monde. Celle partagée entre elle et moi dans les moments les plus intimes. Typiquement le groupe que je n’aurais jamais écouté si on ne l’avait pas mis en travers de ma route. Il y restera pour longtemps. Et elle aussi.
La respiration. Alors que tout va mal et que tout s’est effondré, Todd Terje s’en moque et déroule sa house parfaite. Rien de pointu ici : une ligne de basse bien sentie, un piano fou qui tourne en boucle et c’est parti pour huit minutes d’oubli de soi-même à danser. Et quand on l’entend en plein été au Midi Festival, les pieds dans le sable et face à la mer, on se dit que ce morceau peut vous sauver du pire.
Le partage. J’ai un ami en qui j’ai musicalement une confiance absolue. Nos goûts sont très différents et pourtant je sais toujours que lorsqu’il me fait écouter un morceau, ce n’est jamais au hasard. Peu au fait de la musique orientale, je pourrais pourtant l’écouter des heures parler de comment elle se construit et de ses résonances avec le jazz. Et lorsqu’un soir chez moi il me fait écouter ce live subjuguant, j’ai l’impression d’enfin tout comprendre à la musique.
Local Natives – “You and I”
Extrait de Hummingbird – 2013 – AfroPop il paraît
Solomon Grey – “Gen V”
Extrait de EP Gen V – 2013 – Trip Hop
Outfit – “Performance”
Extrait de Performance – 2013 – Pop
J’ai hâte que cette année 2013 se termine, moi qui ne crois qu’en l’année scolaire, de septembre à septembre. Lorsque tout devient poussif, on en devient superstitieux. 2014 se dessine comme un territoire plein d’espoir, une énergie renouvelée, une impulsion, un second souffle en sachant très bien que le 1er de l’an me laissera, sourire en coin et ironie en marche, dubitative.
La musique m’a encore accompagnée et j’ai renoué avec une vieille manie : écouter des chansons en boucle. Le choix de mes trois morceaux a du sens, je les ai entendus des centaines de fois. Ils ont curieusement un point commun : ce n’est jamais une seule voix, elles sont multiples, ce qui constitue une véritable cohérence avec mes états d’âme de l’année. J’en souris. Je me suis sentie plusieurs, présente certes, mais simultanément décalée dans plusieurs espaces temps. N’est-ce pas curieux de retrouver ça dans mes préférences ? Oh il y a eu bien sûr plein d’albums, je pourrais citer 65days of static, Darkside, Daniel Every, Poliça, Maps, Raffertie, Team Ghosts, David Lemaitre, Trentemøller, Jim James et Alden Volney. Côté fidélité, les toujours Villagers, Etienne Daho, Olafur Arnald, Arman Méliès, Cocorosie, Tristesse Contemporaine, Tricky et Jon Hopkins. Et puis côté français Julien Pras, Maissiat, Albin de la Simone, Féloche, Versari et Arne Vinzon. Cependant, nous avons tous des chansons préférées, non ?
La première, qui ne m’a pas lâchée, c’est Local Natives You and I. Pourtant, je ne suis pas spécialement fan de l’album mais c’est un coup de coeur, écoute après écoute, la magie opère, une fêlure se crée. J’aime la montée en puissance du morceau, sans efforts, sans esbrouffe, la mélancolie en bandoulière.
La seconde au delà du morceau, c’est un groupe que j’ai envie de supporter. J’ai hâte d’entendre leur album complet, c’est une véritable pépite ; il s’agit de Solomon Grey. Gen V est, pour moi, sous influence de Radiohead en état de grâce. Cette voix presque d’outre-tombe… Et le mélange que je préfère, électronique et organique à la fois, de chair et de métal, humain et glacial ; comme les photos que je préfère, belles et inquiétantes.
Et puis, la troisième, si j’avais dû en choisir une seule, ce serait celle-ci, Performance de Outfit. L’album est très beau mais ce morceau-là en particulier est d’une sensualité à tomber, lascif. L’on pourrait dire, d’ailleurs, que mes trois préférences ont un autre point commun : elles ne sont pas speed, pas très rythmées ni pleine d’allégresse, elles flânent. Il y a quelque chose de céleste, comme une absence et c’est vraiment le sentiment que j’ai, celui d’avoir été de plus en plus comme absente à moi-même au fur et à mesure de ces mois. Si loin de la performance… C’est devenu ma berceuse : “Now, everything goes the same way, for once”.
How to Destroy Angels – “A Drowning” (OVNI Remix)
Extrait de remix.nin.com – 2013 – Électro Indus ou quelque chose comme ça
Macklemore & Ryan Lewis – “Can’t Hold Us”
Extrait de The Heist – 2012 – Hip Hop de type Throw Your Hands In The Air
Black Strobe – “Boogie in Zero Gravity” (extended mix)
Extrait de Radio Mirror Park, Los Santos, GTA V – 2013 – Bande Son pour Monde Parallèle
Tous les noyés vous le diront : la surface est toujours trop loin lorsque l’on suffoque. Vos poumons pleins d’une eau dont l’oxygène ne vous sert à rien. Votre coeur vous lâche, et chaque cellule de votre corps réclame de l’air. Vos appels à l’aide puent le silence. Vos tentatives de souffle se soldent par un échec et l’étau se resserre un peu plus sur votre corps trop malmené pour ne pas vous trahir. Vous allez mourir. Parce que vous le voulez bien. Et puis une main se tend. Ou plusieurs. Vous n’avez conscience de rien. Incrédule face au miracle, vous observez un silence à peine troublé par vos quintes encore saturées d’humeur saumâtre. Tandis que vous reprenez votre souffle et vos esprits, une main se pose sur votre nuque. Un murmure rassurant. Ou plusieurs. Et vous restez vivant.
Vous êtes vivant et rien ne peut plus vous empêcher de le rester. Sentiment de surpuissance absolue. Vous sautez. Vous volez. Vous êtes invincible. Le soleil caresse votre peau, dont chaque cellule réclame désormais le bonheur. Vous parvenez à sourire. Et le sourire que l’on vous rend vous le confirme : si le pire est certain, il est désormais derrière vous. Aucun plafond ne vous arrêtera plus. Encore moins celui que vous inventez vous-même pour mieux vous noyer. On vous excusera tandis que vous embrassez le ciel.
En apesanteur, rien ne peut plus vous atteindre. Vous survolez les montagnes d’hier, aimables monticules bien incapables de vous retenir aujourd’hui. Vous roulez pour le plaisir de rouler. Vous êtes un autre. Ou plusieurs. Et aucune ville n’est assez grande pour vous faire reculer. Vous ne savez pas exactement où vous êtes, mais vous savez que c’est le bon endroit.
Vous ne pensez pas à demain.
Demain, vous y penserez demain.
Car il y aura un lendemain. Ou plusieurs.
L’intégralité de la PS’Playlist décembre 2013