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Sub Pop #3 : Beachwood Sparks, un groupe normal

Par Nathan Fournier, le 17-07-2013
Musique
Cet article fait partie de la série 'Sub Pop' composée de 6 articles. Une série de Playlist Society sur Sub Pop à l'occasion des 25 ans du label. Voir le sommaire de la série.

Ah, Sub Pop, tes Nirvana et tes Sebadoh, tes The Shins, tes Wolf Parade et tes Beach House. Sub Pop, sacré label à succès, à albums majeurs et à moments-clés de l’histoire du rock indé. Des murmures du grunge à l’apogée du lo-fi, des cheveux sales de Kurt Cobain et Lou Barlow aux barbes broussailleuses des Iron & Wine et Fleet Foxes, Sub Pop a été là, à mener par la main les intéressés, les avides de nouveauté vers ces révolutions bruyantes et silencieuses, de 1988 à aujourd’hui.

Mais Sub Pop, c’est aussi l’histoire des oubliés, des négligés, de ceux qui n’ont pas fait l’histoire d’un label, qui n’ont même pas marqué la vie d’un adolescent, et qui ne le veulent même pas, de toute façon. Pour des Smells Like Teen Spirit, il faut des singles à oublier, comme si l’équilibre fragile d’un écosystème en dépendait. Les révolutions doivent s’agrémenter d’objets oubliables.

Dans ces groupes estampillés Sub Pop sans même que vous le sachiez, tout en bas du catalogue, toujours discret, il y a les quelques gars de Beachwood Sparks. Un groupe de Los Angeles sans histoire. Quatre albums, tous sur le label de Seattle, mais dans l’ombre des autres.

Pourtant, Beachwood Sparks avait tout pour réussir. Ils sont arrivés au bon moment : les années 2000, ce moment pivot où les envies de pop mélancolique ressurgissent. Belle and Sebastian sort son Fold Your Hands Child, Conor Oberst s’enfonce dans ses chagrins d’amours avec Fevers & Mirrors, et les indie-boys se remettent à peine de la fin de Neutral Milk Hotel. On avait tous les nerfs à fleur de peau (même si on avait 11 ans), on voulait des larmes de joie, des chansons mélancoliques et jolies, de l’humour et des beaux textes. En un mot, on voulait de la noblesse pop.

Avec ses mélodies sucrées, son côté alt-country halluciné et ses dérives tout juste suffisantes pour être signé chez Sub Pop, Beachwood Sparks aurait dû être considéré comme favori pour reprendre le flambeau, comme la caution pop d’un label qui porte en son nom même ce mot d’or, et qui aurait raté le virage – ou plutôt l’épingle à cheveux – vers une pop plus propre, plus lisse, plus mélancolique et juste belle.

L’air de rien, Beachwood Sparks incarne l’élève idéal, l’espoir pour un label un peu perdu depuis la fin du grunge. Beachwood Sparks aurait dû être le Belle & Sebasian américain. Il y a eu un malentendu et l’histoire a oublié la bande de LA.

Mais peu importe, comme ils le répèteront dans un refrain country :

You take the gold and
I’ll take the forest
You can have what is bought and sold
Cause I can’t take much more of this
My tears of green will always
Give me shade.

Beachwood Sparks est un groupe fait pour l’ombre, et Sub Pop a su leur offrir ce confort. À l’ombre des gros noms du label, Beachwood Sparks a su prendre le temps de se déployer, sans pression. Ils ont refusé l’or pour la forêt, à la lumière ils préfèrent la douceur moite des arbres. C’est dans ce petit confort que leur musique prend sens, entre 2000 et 2002. Puis, cette jolie une musique d’après-midi, une musique pour faire la sieste, s’arrêtera…

En 2012, après 11 ans de silence, Beachwood Sparks réapparaît. On l’avoue, on les avait oublié. S’ils ne refusent plus l’or et la lumière, cette fois ils le veulent terni, l’or. Ils tiennent à la patine des années 2000. Pas d’étincelles, juste la même recette éternelle dans ce Tarnished Gold aussi réussi qu’oubliable. Oui, ils auraient pu être importants. Mais à la place, ils sont restés Beachwood Sparks, un groupe normal.

Mais normal ne devrait jamais être péjoratif, jamais. Derrière la normalité de Beachwood Sparks, il y a une des plus grandes chansons pop des années 2000. C’était en 2001, sur Once We Were Trees et, magnifique ironie, cette pépite s’appelle « Confusion is Nothing New ». On pourrait convoquer Paul Simon, des intonations à la Gun Club, Elephant 6 et tellement d’autres pour décrire ce court moment de grâce, chanson désespérée et instantanée. Mais à elle seule, cette chanson résume Beachwood Sparks. S’ils ne seront jamais au cœur d’une révolution, ils seront au moins un point d’ancrage, un cocon douillet qu’on connaît par cœur et où il fait bon se réfugier quand la confusion règne.

And when life is wracked with confusion
I’ve had to go with what I know