Ian MacKaye #6 : Around The Corner
Je ne sais pas quand Ian MacKaye est tombé amoureux de Amy Farina.
Etait-ce en 2007 alors qu’Amy était enceinte de Carmine Francis, leur premier enfant ?
Etait-ce en 2006 alors qu’ils traversaient les Etats-Unis en van, parcourant les villes qui accueilleraient en toute discrétion leurs prestations live sans fioritures ?
Etait-ce en 2005 alors qu’ils enregistraient le premier album de The Evens, leur projet de couple où ils sont deux et jamais plus de deux ?
Etait-ce en 2003 alors que Fugazi entamait son hiatus et qu’il était temps de rejouer en toute intimité et sans enjeu ?
Etait-ce bien avant à l’époque où Amy Farina jouait encore dans The Warmers au côté de son frère Alec MacKaye ?
Je ne sais pas et je ne veux pas savoir. Je me plais juste à penser que Ian MacKaye a trouvé avec ce projet un équilibre, quelque-chose qui ne néglige ni l’art, ni les convictions, ni la vie humaine. Chaque chanson de Minor Threat ou de Fugazi, chaque action réalisée au sein de Dischord, chaque interview donnée, transpirent de la même idée : l’engagement envers des idées ne doit pas se substituer à l’engagement envers soi-même et envers ses proches.
Il y a alors un double-message dans The Evens : le groupe existe parce que faire des choses avec les gens qu’on aime est plus important que de faire des choses tout court (maxime que j’essaye d’appliquer au maximum dans ma vie quotidienne), mais une fois que les chansons sont lancées, une fois que la guitare s’immisce entre les frappes de la batteries, il n’y a plus de copinage, plus de dérivatif, plus de passe-droit, Amy Farina redevient le bras droit de The Evens et Ian MacKaye le bras gauche. Il ne s’agit alors plus de se faire plaisir mais bien de cracher en douceur toute la rage que les années précédentes n’avaient pas encore faire éclore.
De toute son histoire musicale, Ian MacKaye n’a jamais fait partie de ces groupes qui imposent la puissance par le volume, il a toujours préféré instiguer la violence par la composition et la rigueur. The Evens n’est alors qu’une suite logique : il peut y apparaitre doucereux et apaisé, on peut y sentir une sensibilité et une lassitude pour l’agressivité riffique, néanmoins on y retrouve très rapidement le langage de celui qu’on a tant suivi, ce langage qui joue sur les ruptures et les absences, qui essaye de laisser la place à son interlocuteur mais qui ne quitte jamais le débat, qui le laisse juste respirer.
C’est tout cela qu’on retrouve sur « Around The Corner », le deuxième titre du premier album de The Evens : la guitare distordue et la batterie qui s’épanche ou au contraire se coupe net ; d’abord la voix de Amy soutenue par celle de Ian, puis la voix de Ian soutenue par celle d’Amy, mais sans qu’à aucun moment il ne s’agisse d’eux ! Non il s’agit toujours de la chanson et de comment elle doit se développer.
Upon the rocks above the falling water he comes close
to jumpin off the edgeinstead of standing watching whats belows
and when theres frost outside on every window cold winds blow
comes so close to walking out the front door without a coat
there is no round the corner anymore