Il en faut de l’amour et de l’abnégation pour aller voir « La possibilité d’une île » le premier vrai essai cinématographique de Michel Houellebecq, d’abord parce que Michel est un écrivain et pas du tout un réalisateur (pas le genre de mec à y comprendre quoique ce soit en technique), ensuite parce le film fait preuve de l’un des plus mauvais bouches à oreilles (presse+public) de l’année. Oui, il en faut de l’amour de et l’abnégation pour aller voir « La possibilité d’une île », parce que franchement c’est très très mauvais.
Michel l’écrivain a construit son œuvre autour de thématiques fortes qu’il maîtrise parfaitement : Le lyrisme abstrait, la représentation du grotesque, la détresse psychologique et la misère sexuelle, soit des thèmes passionnants d’un point de vue littéraire mais qui sur le grand écran se traduisent dans l’ordre par : des plans infinis d’un homme qui marche, des beaufs qui font de l’aérobic, des jeux de regards lourds de sous entendus et des vieux qui regardent des gamines de 13 ans se déhancher sur de la tecktonik… bref que des scènes qui mènent indubitablement au naufrage cinématographique.
Michel, sérieusement, qu’as-tu voulu faire ? Clairement vu de l’extérieur, ça ressemble à un auto-sabotage de ton roman (qui rétrospectivement est quand même une putain d’œuvre)… Pourquoi avoir supprimé toutes les bonnes idées de ton bouquin ? La personnalité complexe de Daniel, la description du mode de vie des néo-humains, le sens du « livre de vie », tous les personnages qui donnaient cette ambiance si « fin du monde »… Pourquoi avoir préféré ramener ce belge qui ne sert à rien ? Pourquoi ne pas avoir écrit des dialogues à Benoît Magimel qui a l’air de s’ennuyer autant que nous ? Franchement, on y comprend rien à ton film ! La lignée des Daniel est à peine évoquée ; la fin du monde avec le déclin des religions est vite occulté. Comment ton bouquin si riche a pu devenir ce documentaire où l’on se prend un cours de 15 minutes sur le clonage. Il y avait même des raelliens devant le MK2 avec des affiches « Découvrez ce qui a inspiré La possibilité d’une île : www.rael.org ». Tout ça n’est pas très sérieux pour un grand homme comme toi.
Et puis il y a ces plans fixes d’une mocheté et d’un ennui profond, ces plans interminables où la caméra est posée puis abandonnée là, attendant patiemment que les acteurs finissent leur dialogue. Complètement interdit ! Et dire que Philippe Harel est crédité comme conseiller technique ! Conseiller choix des bouteilles de rosé, oui…
Je pourrais en rester là mais je dois ajouter ceci : en considérant « La possibilité d’une île » non pas comme un film mais comme une œuvre d’art contemporain, comme un objet cinématographie non identifié plus près de Matthew Barney que de Godard, on peut y trouver un réel intérêt. Tous ces décors en carton pâte relèvent plus de l’installation artistique que de la création d’un univers crédible. Tous ces plans tiennent plus de la représentation d’un truc que seul Michel doit pouvoir comprendre. Et puis la musique, le grotesque… peut être que Michel a voulu faire un non-film. Sérieusement, d’un certain point de vue, le film est parfois vraiment beau dans sa bizareté. Au détour de certains plans, il y a vraiment une poésie artistique sous jaccente ; j’espère que certains sauront la voir et la décrypter mieux que moi.
Bon ok, j’arrête, tout est vraiment raté, mais ce qui est beau, c’est que cela ne remet en rien en cause mon amour pour Michel, l’homme qui m’a appris à fumer la clope entre l’index et le majeur. A la limite, je suis touché par toutes ces erreurs, par cet échec cuisant. Et puis je rigole en imaginant l’ami Houellebecq donner des mots croisés à Benoît, buvant son verre de rouge avec les équipes, illuminé par 1000 mauvaises idées à la seconde. Enfin la bonne nouvelle de tout ça est que dorénavant Michel devrait se refocaliser sur ce qu’il sait faire de mieux : des livres.
Note : 3/10