Deux français qui ne se connaissent pas et un coréen sont réunis pour faire un film sur Tokyo et exprimer leur vision d’une des villes les plus intrigantes du monde. 3 réalisateurs, 3 moyens-métrages, 1 film, une ville, le genre de projet qui est toujours alléchant sur le papier mais qui révèle souvent ses limites une fois à l’écran du fait de la disparité entre la qualité des réalisations proposées, comme ce fut le cas pour « Paris, je t’aime ».
Au final, bien que le projet ne comporte aucune cohérence, notamment à cause de l’ovni de Leos Carax, le résultat est très satisfaisant, la force à trois scénarios qui s’attaquent chacun à leur manière à l’un des clichés de Tokyo !
Michel Gondry traite du mal être de la jeunesse et de la difficulté de s’intégrer dans une ville comme Tokyo, de la petitesse des appartements, des tensions du marché de l’emploi, et des problèmes de couple qui résultent de ces facteurs. Au centre de son récit, un couple fraîchement débarqué dont l’élément féminin n’arrive pas à trouver sa place dans cette nouvelle ville. Pour donner un sens à son existence, pour avoir l’impression de servir à la société, la jeune femme va peu à peu se transformer en chaise, un objet simple dont personne ne peut remettre en cause l’utilité. C’est beau, poétique, techniquement parfait, du pur Gondry quoi, avec en prime un magnifique plan d’appartement vu d’avion avec les allez venues des colocataires passés en accéléré.
Des trois réalisateurs, Leos Carax est celui qu’on a le plus de mal à cerner. Son histoire d’homme des égouts qui terrorise Tokyo fait dans la grosse blague grandiloquente. Avec une réalisation souvent plus proche du film d’art contemporain que du moyen métrage et avec son personnage qui répond au doux nom de « Merde », Leos Carax laisse perplexe. C’est à la fois nul et très marrant, notamment grâce à la géniale prestation de Denis Lavant. Ici Carax s’attaque au cliché du racisme japonais et de la peur de l’étranger, et finis sur un magnifique « Soon, Merde in The USA ». Leos Caras n’avait rien tournée depuis « Pola X » en 99, et c’est un étrange retour aux affaires.
Bong Joon-Ho, le fabuleux réalisateur de « Memories of Murder » et « The Host » traite lui des hikikomori, ces japonais qui vivent enfermés chez eux et aborde par la même le cliché de la solitude et du repli sur soi même dans Tokyo, cette ville où il y a tellement d’habitants qu’on ne peu que s’y aliéner. Un beau film, sobre et plein de mini prouesses techniques (cf les très crédibles tremblements de terre).
En conclusion, le postulat de base est rempli : trois réalisateurs, trois visions, trois clichés traités, trois films différents qui s’enchaînent avec plaisir et un rythme tenu grâce au Carax qui donne une respiration entre les deux autres ; heureusement que personne n’a eu l’idée de finir sur celui-ci, cela aurait vraiment gâché l’ensemble.
Note : 7,5/10