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Lucinda
Georgia
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Portrait
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Un square dans le marais. Des fleurs, des arbres et des enfants qui jouent. La nature toujours un peu perdue au sein de la ville. Elle est là. Citadine. Un blouson en cuir noir. Urbaine. Des chaussures à talons vertigineux. Minirobe. Du noir, du rock. Du bitume. Tout cela, parc et personnage, forme un contraste approprié à Izia. Elle est une terre de contradiction.

Je lui fais grâce de sa famille. Je règle l’histoire rapidement. Elle est la fille de Jacques Higelin, et la soeur d’Arthur H, pour ceux que ça intéresse. Pas moi. Elle est parfaitement légitime sans. Et comme d’habitude, c’est l’artiste, l’humain qui m’intrigue, et sa création, l’album.

Izia, terre de contradiction. Elle est auteur compositeur. Un peu solitaire. Et adore fonctionner en groupe. En particulier son binôme, du moins c’est ainsi que je l’ai perçu, Sebastien Hoog. Elle arrive avec ses compos, ses textes et l’émulation commence. La guitare de Sébastien a donné une tonalité particulière, un fil conducteur à cet album.

Les trois mots clés : Brut, énergie, liberté. Si ce n’est pas la définition du rock, je ne sais ce que c’est ! Izia est le chef d’orchestre, la « glue », comme elle dit, qui soude le groupe. Groupe qui s’est formé au rythme des rencontres. Comme le disque. Elle s’est laissée porter. Écrit et compose dès l’âge de 13 ans. Le temps passe. 30 concerts. Première partie d’Iggy Pop. La signature avec une maison de disques. Et le point d’orgue : la sortie de l’album. Rien n’a été forcé. Tout a été fluide répète-t-elle, avec un sourire lumineux.

Brut, énergie, liberté. De manière exceptionnelle, la maison de disques respectera ses trois mantras. Le disque, tel qu’il est, n’a subi quasi aucune retouche. Du live au studio son, peu de différences. Une certaine intégrité. Rien de très réfléchi ou d’analysé. C’est incroyablement vivant. Si l’ensemble est pur rock, sur chaque morceau, si vous y prêtez attention, il y a des variations. Izia parle de promenades sur les sentiers du rock. Une touche de funk, un coup de ska, de l’indie, voire du punk, que sais-je encore ! La voix étonnamment puissante, tant en termes de capacité que d’émotions, n’envahit pas pour autant tout l’espace. C’est un duo quelque part. Izia chante ses colères et ses espoirs, la guitare de Sébastien Hoog lui répond. Comme un dialogue enragé où ils se perdent et se retrouvent.

Izia est un ovni dans le paysage musical français. Le fantôme de Janis Joplin plane au-dessus d’elle et PJ Harvey lui tient la main. Le challenge est démesuré. Ce n’est pas elle qui est allée le chercher. C’est bel et bien nous, les chroniqueurs zic qui avons besoin de repères. Car il n’y a pas de place pour elle en France. Il faut la créer. Qu’elle se la crée. Elle est à part.

Elle se raconte des histoires. Des histoires de jeune fille en jupon dans un western-spaghetti (« Back in town »). Des règlements de compte avec une pétasse de lycée (« Hey Bitch ! »). Elle déstabilise. Izia, terre de contradiction… Elle chante « Let me alone » : l’histoire d’une jeune fille assise dans une chambre dans le noir. Elle est bravache , bien sûr que tu peux me laisser toute seule, je me débrouillerai. Mais la chanson se termine sur une supplique. Surtout ne me laisse pas toute seule. Une chanson humaine, l’universalité de la solitude qui prend corps dans la voix d’Izia. Pourtant ne pas se laisser submerger par l’émotion, « Blind » suit, chanson réactionnelle face à des images du Président de la République, M. Sarkozy. Des variations de voix qui ajoutent des percussions supplémentaires. Finalement la révolte continue. Et puis l’histoire d’une jeune fille, un matin ensoleillé, qui se lève avec une furieuse envie de vivre « Burning ». Mais cette éclaircie ne dure pas. « Life is going down », première chanson écrite par Izia à l’âge de 13 ans, un soir d’abattement après une journée de lycée. Revivre. Vivre. Une course-poursuite cinématographique comme elle l’imagine avec « The light », ma préférée. Izia parle de bar à propos de cette chanson, d’un rapport de forces.

L’album est largement entamé, ça fait des dizaines de minutes que Izia n’a pas lâché prise. Toutes les chansons se sont enchaînées sans que la pression ne soit descendue. Du rock enragé. Comme s’il s’agissait d’un combat. Mais avec « Take me back », j’ai la sensation qu’elle est comme crevée de se battre. Presque. C’est la première ballade. Oserait-elle poser les armes ? C’est un leurre car « Disco Ball » reprend le dessus : la nuit, les errances, les clubs, ne plus aller à l’école, tout cela connu un peu trop jeune. Pourtant, si c’est un album endiablé, Izia a choisi de tutoyer les anges pour terminer. La seconde ballade. Les signes avant-coureurs de fatigue étaient bien réels. « Sugar Cane », l’histoire d’un jeune homme et d’une jeune fille, au soleil, dans un champs de canne à sucre. Des instants magiques comme nous pouvons tous en connaître. Un brin romantique. Le combat est terminé. Elle a cessé de se débattre, de se démener. Et c’est sur cette chanson qu’on se rend compte que sa voix mariée avec le rock peut parfaitement le tromper avec la douceur.

« Izia », l’album est une déferlante d’énergie, de rock brut, un souffle violent de liberté. Et pourtant… Si on ne se laisse pas emporter par ces évidences, il y a de la fragilité dans l’air. Du romantisme noirci. Une quête. Quand l’émotion submerge et que l’on prétend que l’on a juste froid, juste un peu fatigué. Une terre de contradictions…