A peine quelques heures après avoir écrits ces lignes j’attaquais mon écoute de « Octahedron » et le premier contact ne fit que confirmer l’inquiétude formulée un plus tôt. Il faut monter le son de sa chaîne pour entendre l’intro de « Since We’ve Been Wrong », un titre des plus ennuyeux, rappelant les pires égarement de Pink Floyd, une sorte de « Televators » (l’un des joyaux de « De-Loused in the Comatorium » leur premier opus) dénué d’émotion et de surprise. C’est ennuyeux sur plus de 7 minutes, toujours embêtant pour une première prise de contact avec le cinquième album d’un de vos groupes préférés.
Heureusement, tout rentre dans l’ordre avec « Teflon ». Hypnotique, trippé avec toujours ce côté si sexy, l’entité bicéphale Mars Volta y prouve qu’elle sait définitivement écrire de vraies chansons. Le terme « vraies chansons » est d’ailleurs au cœur de la thématique de ce nouvel album. Le groupe semble vraiment vouloir faire des efforts pour canaliser ses compositions (efforts somme toute tous relatifs), limiter les débordements hallucinatoires, éviter les interludes de pures improvisations et se recentrer sur du vrai songwriting, celui là même que je leur reprochais la semaine dernière de laisser trop souvent de côté.
La problématique s’impose donc de fait : en essayant de focaliser son attention et de livrer des compositions moins alambiquées, Mars Volta ne livre-t-il pas une version aseptisé de « The Bedlam in Goliath » ? La question est à double tranchant et donc à double réponse. La réponse est négative sur « Halo Of Nembutals » qui avec ses envolées et son final jazzy synthétise le génie du groupe, alors qu’elle est clairement positive à l’écoute de ballades déjà vue et revue chez le groupe (et encore en beaucoup plus psyché) comme « With Twilight As My Guide ».
« Cotopaxi » est le titre punk du disque. On ne voit pas très bien pour quoi il a plus sa place sur « Octahedron » que sur « Cryptomnesia » de El Grupo Nuevo De Omar Rodriguez Lopez, mais bon Omar Rodriguez Lopez a ses raisons que la raison elle-même ne connaît pas. Ce type est entrain de devenir le Chuck Norris de la musique. Enfin bon « Cotopaxi » entraîne l’auditeur dans un tourbillon rock-soul-punk ultra technique, le genre de titre qui rappelle combien le groupe est unique et inimitable.
« Desperate Graves » mise encore sur une partition de batterie qui sait mettre en valeur le titre. Les guitares accrochent, le refrain fait tourner la tête : peu de folie, mais un titre qui a tout du single psyché rock parfait. Le groupe devrait néanmoins se méfier de lui-même, de sa proportion aux excès. Ces lignes de piano, qui aussi discrètes soit-elles, sont à même d’ampouler la chanson, ces même lignes de piano qui gâchent quasiment tous les titres de Muse, Mars Volta doit s’en méfier. Mais comment dire à un groupe qui intègre tout ce qui bouge, qui à une boulimie d’expérimentations et de grandiloquence de se méfier de quoi que ce soit. Au fond Mars Volta doit surtout se méfier de lui-même ; le genre de conseil qu’il n’ait pas toujours facile de confier à quelqu’un qu’on aime.
Que penser après ça de « Copernicus », une ballade quasi acoustique qui alourdit les paupières jusqu’à ce qu’un petit beat electro nous sorte de notre torpeur et transforme la chanson en merveille de l’electro-pop ? Comment cerner The Mars Volta, comment comprendre ce que veut accomplir Omar Rodriguez Lopez ? En ne cessant de les écouter ? Je ne suis même pas sûr que la ténacité soit un atout pour élucider ce mystère.
Je vais me faire un café le temps que « Luciforms » démarre. 2 minutes c’est tout juste ce qu’il me fallait pour faire chauffer l’eau et m’allumer une cloppe. Le titre est correct mais n’apporte tellement rien à la discographie du groupe que je décide d’ajouter un soupçon de whisky à mon café : oui les riffs et la batterie sont à l’avenant, oui le solo de fin pousse à l’asphyxie n’importe qu’elle guitare héros, et après ? C’est tout de même la moindre des choses pour un tel groupe.
Au final, il serait légitime d’au pire tourner le dos au groupe, d’au mieux marqué sa déception. Eddie le dit d’ailleurs très bien dans sa chronique : « La musique du groupe est toujours complexe, avec des arrangements mélodiques à tomber par terre, les paroles sont toujours complètement incompréhensibles pour mon plus grand plaisir, mais voilà, ce n’est pas le Mars Volta que j’aime passionnément. C’est étrange parce que si j’avais découvert ce disque avant d’écouter « The Bedlam In Goliath », je l’aurais sans doute mieux apprécier. Mais connaissant les capacités du groupe, j’ai l’impression qu’ils les ont moins bien exploitées sur celui-là. « Octahedron » est tout de même un très bon disque, parce que les musiciens sont géniaux et le chanteur incroyable, mais je ne peux me défaire de ce sentiment de frustration. »
Je suis complètement en phase avec cet avis et pourtant, je ne peux nier mon attachement à ce disque qui déploie insidieusement une nouvelle forme de finesse mélodique. Non seulement parce qu’après l’abrasif « The Bedlam In Goliath », il donne une respiration bienvenue à la discographie du groupe, mais surtout parce que je souhaite passer outre cette lassitude qui s’empare de celui qui connaît déjà que trop bien The Mars Volta. Je souhaite la nier. Et puis il ne fait pas se laisser prendre au jeu de la déception, le groupe touche tellement souvent au sublime qu’on ne va pas l’assassiner pour les moments moins pertinents de ce « Octahedron ».
Les histoires avec les groupes, c’est un peu comme le grand amour : quelque soit la force des sentiments, il y a des moments de doute, et dans ce cas là il n’y a qu’une seule chose à faire : se taire, nier son ressenti et faire confiance à l’autre.
Note : 8/10
PS : Toute personne
, laissant un commentaire indiquant que ma comparaison avec le « grand amour » est complètement déplacée compte tenu du néant qui symbolise actuelement ma vie affective, peut évidemment aller se faire foutre ;)