J’ai toujours eu peur de partir vivre à l’étranger, toujours eu peur de m’y perdre, d’y suffoquer et de ne pas savoir en rentrer. Cordon mal coupé, attaches fraternelles et amicales trop ancrées, santé défaillante pouvant potentiellement être exacerbée par la solitude, les raisons étaient auparavant multiples. Mais les choses ont bien sûr évolué et aujourd’hui je suis devenu suffisamment narcissique pour rester indéfiniment seul avec moi. Il n’y plus de barrières psychologiques. Je pourrais décider de tout plaquer, filer à l’aéroport, m’attaquer aux grands espaces. Malheureusement de nouveaux obstacles se sont entre temps dressés : prêts, responsabilités, impression justifiée d’être placé sur des rails. Il y a toujours mille raisons pour ne pas partir. Alors je me dis que ce n’est pas grave, qu’au moins je n’aurais pas à affronter mes craintes. Je m’auto-persuade qu’il n’est pas raisonnable de vouloir s’enfuir quand on considère le voyage comme un pèlerinage solitaire et non pas comme un lieu de rencontre.
Pourtant depuis quelques temps, l’envie d’ailleurs ne cesse de me tarauder. Je ne sais pas s’ils cherchent à me faire passer un message mais tous mes amis ne me parlent que de nouveaux paysages à découvrir. Je reçois des lettres d’Erwan où il est fait état d’intercontinentalité où il écrit sur les périples à travers le temps. Je me ballade avec Arbobo près du Champs de Mars et il me conte des histoires de cavalcades qui nous emmène dans le vieux sud et de gens qui travaillent à étendre leur propre frontière. Je vais boire un café avec Cécile, elle semble émerveillée, comme possédée par des visions de musique qui respire le cinéma, de films improbables, de virées sans but, de roadtrips à la fin tragique mais aux émotions exacerbées. Je m’échappe alors chez Mauve pour lui confier mes doutes, savoir si elle pense que je devrais partir et là au lieu de me répondre, elle n’a à la bouche que des évocations de mets exotiques : poulet à la thaï, et Mojito frappé comme ceux qu’on boit jusqu’à la lie en profitant des derniers jours d’été indien.
Suite à ça, j’ai longuement médité mais cette fois je suis résolu, je veux partir ! Je veux me laisser porter par le courant (« The Snake »), tomber amoureux de la première étrangère croisée (« Miniature »), méditer seul sur une plage désespérément romantique (« Miniature »), conquérir l’ouest (« Sao Fransico Waters »), marcher la nuit dans des cités inconnues (« City Lights »), mourir pour mieux renaître (« Morning, Noon & Night »), prendre le large, traverser les mers (« Dead Furniture »), arpenter des fêtes foraines, me perdre dans la maison des miroirs (« Big Top Head »).
Ou alors je peux rester chez moi dans mon cocon, écouter The Limes et trouver une nouvelle façon de voyager, moins réelle mais tellement plus spirituelle.
Note : 8,5/10