Quelques lignes dessinant le contour d’une histoire, des dessins au trait quasi enfantin, le tout formant un conte qui aura marqué à jamais l’imaginaire collectif via un pouvoir d’évocation caractéristique de l’adage « En montrer le moins pour en dire le plus ». De cette matière réputée inadaptable de par sa concision, Spike Jonze a tiré un film qui va bien au-delà de la simple adaptation. Non seulement « Max et les Maximonstres » est d’une fidélité exemplaire à son modèle, mais surtout il le transcende en complexifiant psychologiquement parlant ce qui n’était alors qu’un simple ressenti.
Là où certains se sentent obligés de souligner trois fois la moindre métaphore, Dave Eggers et Spike Jonze donnent une leçon de cinéma en terme de retenue. Ayant conscience de combien le spectateur maîtrise les codes, ils ne s’attardent jamais sur l’inversion des valeurs de l’échelle sociale qu’implique la position de Max chez les Maximonstres. Le film ne traite que de la solitude et chaque protagoniste en incarne une facette différente, chaque facette étant ainsi une partie du puzzle des états d’âme de Max. La rage, la peur, le besoin d’être guidé, la frustration de ne pas être écouté, le renfermement sur soi-même, la manière de se tourner vers de nouveaux amis « imaginaires » (les chouettes), tout concourre à expliciter avec sensibilité les affres de l’enfance.
L’image est riche et le grain profond ; la photographie stylisée tout en restant indé : le film transpire à la fois la démesure et l’économie de moyen. Carol et KW sont d’un réalisme émotionnel bien plus émouvant que n’importe quelle bestiole bleue qui ne sait exprimer que le courroux ou la joie. Voir les monstres évoluer dans ce monde fait de bric à brac où la poésie est présente au détour de chaque pierre et où la maquette d’une cité humaniste touche bien plus qu’une plongée en apnée dans un monde trop virtuel, rappelle forcément l’approche cinématographique du comparse Gondry.
On a souvent reproché aux réalisateurs venus du clip et/ou de la pub de n’être que des artisans de la machine holywoodienne, mais il semble bien qu’aujourd’hui la tendance s’est définitivement inversée et que la flamme d’un cinéma beau et intransigeant avec lui-même comme avec son public soit portée par cette génération qui conçoit ses oeuvres comme la projection de petits univers extraordinaires qui m’exalteront toujours plus que de gigantesques univers ordinaires.
Dans « Max et les Maximonstres », les seuls méchants sont les versants de la solitude et les seuls actions héroïques sont celles qui recréent un lien social. A la fin de son périple, Max n’arrivera pas à solutionner l’équation, il ne sauvera ni son peuple ni lui-même, il décidera juste de faire ce que nous décidons tous de faire : enfermer la solitude, apprendre à vivre avec et aller de l’avant.
Note : 8,5/10
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