Je possède l’intégrale de la discographie du groupe, j’ai assisté à trois de leurs prestations live (dont le premier concert en 2002 au Trabendo), j’ai vu « Dig! » de Ondi Timoner, et pourtant malgré le monument de fureur rock qu’est « Take Them On, On Your Own », on ne peut pas dire que j’ai été 100% dévoué à la cause Black Rebel Motocycle Club. Le premier album posait les bases mais restait parfois trop scolaire, « Howl » m’avait trop fortement déstabilisé par rapport aux attentes électriques que j’avais placées dedans, « Baby 81 » avait un côté mosaïque hasardeuse qui négligeait les chansons et « The Effects of 333 » était resté enfoui sous une montagne d’albums instrumentaux lorgnant sur le stoner. Ainsi, autant le dire de suite, je n’étais en rien préparé à me prendre la claque « Beat The Devil’s Tattoo » qui après presque 10 ans d’existence synthétise enfin toute l’essence et toutes les influences du groupe dans un brûlot rock rageux et cohérent.
En premier lieu, je retrouve sur de titres comme « Evol », tout ce que j’aimais sur « Take Them On, On Your Own » : cette capacité à laisser une complainte s’insinuer brillamment au point que si l’on dégraissait le titre de ses guitares, on se retrouverait avec un idéal single pop. Oui c’est ça, j’aime cette approche shoegaze qui inaugure sans arrêt de parfaites mélodies tout en ayant la modestie de les cacher sous la densité du son.
Et puis il y a cette brume, cette brume qui recouvre tous les titres, qui leur confère une production et une résonance toute particulière (« River Styx »). Les titres prennent la forme d’incantations indiennes démoniaques (« Beat The Devil’s Tattoo ») et le groupe fonce tête baissée dans le brouillard à la rencontre de la légende (le très Rolling Stonien « Conscience Killer »). Ca tape fort mais toujours avec l’intelligence des ambiances, une sorte de fougue maîtrisée et canalisée. Leah Shapiro frappe avec noirceur et finesse, c’est crasseux et pouilleux (« Bad Blood »). Ca sent la sueur et la bière sur le quasi grunge « Mama Taught Me Better ». Ca transpire l’alcool sur « War Machine ».
De plus en plus à l’aise avec les ballades folk-country-rock, le Black Rebel Motocycle Club arrive même entre deux salves vindicatives à profondément émouvoir (« The Toll », et son harmonica lancinant ; « Sweet Feeling » et sa langueur automnale).
On regrettera quelques titres à la finalité discutable qui rappellent les mauvais sillons empruntés auparavant par le groupe (« Long Way Down ») ainsi que certains passages plus anecdotiques (« Aya ») pour se focaliser sur les grands trips psychédélique dans lesquels le groupe peut nous emmener à coup de guitares droguées, faussement en roue libre.
Après des turbulences du côté des fûts, après un retour salvateur à l’indépendance, après une certaine remise en question de sa trajectoire, Peter Hayes et Robert Turner réinventent le Black Rebel Motocycle Club autour d’un « Beat The Devil’s Tattoo » qui prend appui sur des bases consolidées pour nous faire prisonnier de la fumée.
Note : 7,5/10
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