Génération sacrifiée sur l’autel des thrillers, nous avons été nourris jusqu’à l’overdose de scénarios adeptes de la fin tordue et du rebondissement de dernière minute. De la littérature au cinéma en passant par la télé, le thriller a été tourné à toutes les sauces : policier, journalistique ou encore politique. Dans ces circonstances, comment espérer encore attirer le spectateur avec un synopsis à peine plus ambitieux que celui d’une sous intrigue de Damages. Comment surprendre le chaland et susciter de nouvelles émotions ?
A cette question, Roman Polanski répond avec prestance « en étant un grand réalisateur » ! Et il n’a pas tord le bougre ! « The Ghost-Writer » ne fonctionne que sur la qualité de sa mise en scène et sa capacité à créer en un rien de temps des ambiances qui en disent plus long sur la situation que les quelques échanges entre les personnages. Tout n’est ici que métaphores de la fonction politique et plus généralement du champ des possibles de l’homme. Alors qu’à première vue les possibilités sont illimitées et que les espaces sont volontairement immenses afin d’appuyer sur la notion de liberté (l’impressionnant loft, la mystérieuse île), on réalise rapidement que malgré la grandeur des apparences, les personnages ne sont pas moins cloitrés dans leur propre destinée.
Les plans, parfois hitchcockiens sont le plus souvent polanskiens et on se délecte des longues ballades d’un Ewan McGregor assailli par la pluie. L’acteur britannique campe ici un personnage qui n’existe pas dans son milieu. Malgré son importance, il s’agit d’un nègre sans nom, qui ne laissera aucune trace dans l’histoire au point que ses noms et prénoms soient soigneusement éludés comme si le réalisateur lui-même ne les connaissait pas.
Pourtant malgré sa richesse visuelle et thématique, « The Ghost-Writer » peine à convaincre. Bien qu’il s’agisse d’un des meilleurs thrillers du moment, il ne reste au fond qu’un thriller au scénario malin mais comme souvent imparfait voir incohérent. On s’étonne toujours que le premier ghost writer, après avoir découvert le pot aux roses, se soit auto-persuadé que c’était une bonne idée d’aller tout dévoiler à Paul Emmett aka le principal intéressé. Et puis, malgré la grande tenue de la direction d’acteur, on reste toujours un peu sur sa faim d’un point de vue psychologique.
A côté de ça, Pierce « James Bond » Brosnan qui avait encore un dernier film à faire pour honorer son contrat avec BMW permet à Roman Polanski de tourner la plus belle des publicités pour la firme allemande. Qu’elle soit à l’arrêt, sous le déluge ou qu’elle guide le héros de sa voix suave mais directive, la X5 prouve que ce ne sont plus les politiciens qui tirent les ficelles…
Note : 7/10
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