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Augmenter la noirceur, accroître la violence des drills de batteries, densifier le son, accabler l’auditeur de paroles tranchantes. Il y a toujours moyen de repousser les limites, de transgresser l’âme, de s’immiscer dans les entrailles. Enrichi par sa collaboration avec le contrebassiste Nat Baldwin, Extra Life revient avec un joyau intemporel qui intègre mieux que jamais les instruments à cordes et les cuivres tout en affirmant une hargne vindicative et une capacité à démultiplier les rythmiques. Aller au-delà de l’imaginable, pousser l’homme et la musique dans ses derniers retranchements, tomber dans de nouveaux travers émotionnels. La cavalerie math-rock se retrouve coupée dans sa course par des illuminations pop, tandis que les affiliations médiévales sont amplifiées par des vocaux mystiques.

Dès « Voluptuous Life », le volcan brûle aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, c’est Fugazi qui confierait ses arrangements à Daniel Bjarnason, c’est Owen Pallett qui aurait pris la direction d’un quatuor de forcenés bruitistes et qui s’efforçait à les diriger tout en imposant son violon, tout en repoussant de l’archet les assauts soniques. Mais sous les expérimentations, sous l’envie de livrer des saveurs encore inconnues, sont tapies d’éblouissantes mélodies, de celles que gardent précieusement les orfèvres de la weird-pop comme Grizzly Bear (« The Ladder »).

Animé par ce défi qui est celui des plus grands, Extra Life cherche définitivement avec « Made Flesh » à réinventer un genre, à combiner la rugosité et l’instantanéité du hardcore via un dévastateur duo basse/batterie tout en offrant la longévité et les saveurs sensorielles de l’expérimentale. Comment décrire le marasme psychologique dans lequel peuvent vous pousser les harmonies vocales de Charlie Looker ? Fils spirituel de David Tibet, l’homme vient prêcher pour une nouvelle paroisse !

Sur « Easter », l’influence de Zs, la précédente formation de Charlie Looker, inocule des sonorités classico-noisy qui complexifient l’évidente immédiateté de la chanson et transforment le tout en un monstre pluricéphale prêt à dévorer Big Apple. Toutes les pistes dévoilées par « Secular Works » sont ici creusées et exploitées jusqu’à leur paroxysme, permettant ainsi à Extra Life de livrer une ballade folk transgénérationnelle , angoissante comme du David Sylvian et lumineuse comme du Andrew Bird.

« Made Flesh » confirme l’avènement de Charlie Looker, un homme-monde, une personnalité fantasmagorique, plus à même de dialoguer avec un saxophone (celui de Travis Laplante de Little Women en l’occurrence) qu’avec ses congénères humains. Lorsque les dix premières minutes de « The Body is True », dernier titre de l’opus, sont écoulées et que le groupe scande à l’unisson « Masterpiece », on ne peut s’empêcher de sourire béatement. Les apôtres ont donc encore une place au sein de ce monde cadenassé.

Note : 9/10

>> Quelques titres en écoute ici
>> A lire également, la critique de Mathieu sur Random Songs et l’article de Mmarsup sur Little Reviews