Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

VIOL – Welfare Heart

Par Benjamin Fogel, le 05-04-2010
Musique

Durant des années, la rumeur s’est amplifiée. Elle a grandi au sein des oreilles curieuses et raffinées de ceux qui ne s’encombrent pas des idées imposées par la norme. Elle est devenue mythe puis légende. Aujourd’hui, les mélomanes content les aventures de Viol à leurs enfants, et les bambins s’endorment sous ces mélodies estimables et pleine de moralité.

Pour une fois, on espère que le temps aura magnifiquement fait son travail et que le conte deviendra réalité, que le peuple se plongera enfin dans l’opulence des chansons de Ernesto Violin. On espère mais il est difficile de savoir à quelle vitesse la rumeur continuera de se propager et à quel moment celle-ci changera de nature pour devenir un fait. Il faut dire que Viol ne cherche jamais à accélérer le mouvement naturel des choses. Il ne s’agit pas de ce genre de groupe dont on vous parle à la récrée ou autour d’un café au travail. Non pour être exact, Viol est même à la lisière d’un nouveau modèle de propagande musicale, un modèle qui n’a tellement pas de règle que l’appellation « modèle » en devient hérétique. Viol c’est un TAMZ (Temporary Autonomous Musical Zone), un artiste dont on se refile les liens des albums sous le manteau, un artiste qui offre tout légalement mais confidentiellement. Pendant très longtemps, Viol a été la chaise gardée de celui qui a initié la rumeur, une histoire qu’on se sent obligé de raconter mais qu’on aurait bien gardée pour soi, un jardin secret dans lequel on se doit de convier ses proches tout en espérant qu’ils n’y mettront jamais les pieds. Le conteur Thomas Sinaeve semblait croire tellement à ses mots, que les plus curieux avaient fini par se demander si lui et Enesto Violin n’étaient pas en fait qu’une seule et même personne !

Mais les groupes sont des connaissances qui doivent bien un jour être vulgarisées. Viol est parcouru par des décennies d’influences, de la pop classique à la dark folk et chacun pourra trouver dans des titres comme « The Flavor Of Love » les souvenirs qu’il souhaite. Il y a ici une vraie immédiateté pop qui n‘est pas antinomique avec l‘unicité de l’univers (« Living In A Cemetery »). Viol c’est un peu une version intimiste et épurée de Belle & Sebastian. Plus globalement, c’est la force de ce songwriting serein qui ne cesse de bluffer (« The Pillow Song »). La basse tranquille ne se laisse jamais détourner par une guitare timidement noisy (« Make Me Believe In Santa Again ») tandis que l’appel de l’ouest oblige les gimmicks à ne servir que le groove et non la pose (« The Tempest »). Tout n’est ici que pop-folk en diable, de la musique racée qui possède quelque chose de plus : du charme. Ce n’est peut être pas la plus belle femme du village mais c’est sans nul doute celle avec qui vous vous imagineriez le plus passer votre vie.

Il est juste dommage que Viol se lance régulièrement dans des hommages à sa propre culture et se laisse avoir par des instrumentations un peu faciles où les violons se jouent de lui (« For The Love Of Young Rose ») et où la grandiloquence est à deux doigts de lui arracher ses dernières larmes (« Avalon »). Le surplus de romantisme peut également parfois exaspérer, la faute à un chant lexical qui abuse des sentences qui se finissent en you (« Diary Of A Monk ») et qui se laisse aller à des nunuchéries pas toujours à la hauteur des ambiances (« Time-Travel »).

Mais peu importe les défauts car Viol possède un atout unique : une capacité à créer instantanément une complicité avec l’auditeur. Au dire des aficionados de la première heure, « Welfare Heart » serait probablement l’album le plus en deçà de la discographie du sieur. Découvrir Viol, ce serait comme avoir un coup de foudre esthétique pour cette jeune femme qu’un ami vient de vous présenter comme sa sœur, avant que ce dernier ne vous tape amicalement dans le dos en vous disant que c’est la moins charmante de sa famille et qu’il a encore trois autres femmes à vous présenter, plus splendides les unes que les autres. Vous avez du mal à y croire et vous vous empressez de colporter la rumeur.