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Il n’y a pas de noble manière de réagir face à la mort, il n’y a que la réalité et le constat de la finitude des choses. Disparaître, pleurer, noyer son chagrin dans le travail, rendre hommage, oublier, tourner la page, transcender, faire au mieux avec les données. Lorsque le 14 juin 2008, l’archipel de Stockholm réclame le corps de Esbjörn Svensson, le monde perd l’un de ses plus grands pianistes. Ses deux comparses se retrouvent orphelins. D’un côté Magnus Östrom, l’ami d’enfance a besoin de faire son deuil loin de tout velléité musicale, de l’autre Dan Berglund exprime la nécessité de rebondir le plus vite possible. Il débauche Johan Lindström, son ancien collègue du Per Texas Johansson band, ainsi que Martin Hederos, le pianiste de Soundtracks of our Lives et le batteur Andreas Werliin.

La pochette de « Tonbruket » représente un cœur à l’arrêt que seule une série de dix electrochocs pourra redémarrer. Nous ne sommes pas ici dans l’imaginaire émotionnel, le cœur n’est pas un pictogramme affectif mais bien une complexe machinerie pleine d’artères, de veines, de ventricules et de valves. Non ce cœur a été noyé mais bientôt l’aorte oxygénera à nouveau le corps.

« Tonbruket » s’ouvre sur « Sister sad », un titre à la symbolique particulière où la contre-basse de Dan Berglund implicitement échappée de l’univers E.S.T. se laisse peu à peu corrompre par la guitare de Johan Lindström. C’est le passage du jazz au post-rock, c’est l’arrivée de l’électricité, c’est l’envie de redémarrer la machine.

Rendre hommage au passé tout en inaugurant l’avenir, voilà le chemin choisi par Dan Berglund. S’il n’y pas de doute sur l’origine du « e » de « Song for e », celui-ci étant le seul titre ouvertement affilié au Esbjörn Svensson Trio, le reste de l’album offre des perspectives qui vont bien au-delà. « Sailor waltz » s’ouvre sur une amourette entre les tendres notes d’un piano et un cinématographique thème à l’archet, le tout pour une épopée de plus de 9 minutes. Les artères vibrent sous les slides, une cithare artificielle (on suppose ici qu’il s’agit d’une modification dans l’accordement du piano) pompe l’eau. Puis « Gi hop » éclot comme une envolée ayant pour référence le post-rock canadienne. Via une puissante richesse mélodique et rythmique, Dan Berglund fait chanceler en dévoilant la richesse de son spectre d’action. Ca bouge, ça vibre, ça vit !

Est-ce un cœur qui redémarre sur « The wind and the leaves » où est-ce le bruit des pas de l’ami qui revient ? L’analyse clinique est-elle positive (« Stethoscope ») ? Entre la BO pour un western de l’apocalypse (« Cold blooded music ») et un requiem métallique pour les morts, Dan Berglund redonne vie au mythe via une œuvre riche, variée et définitivement capitale.

Note : 8,5/10

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