Les accords de guitares typiquement math-rock se multiplient, une basse héritée de Gang Of Four virevolte sous un doigté argenté, un chant un peu chancelant scande. Tous les éléments de la machinerie Foals sont bien présents mais le groupe semble jouer au ralenti, comme s’il répétait et était plus préoccupé par la mémorisation des structures que par le soucis de jouer avec ses trippes. « Blue Blood » semble toujours sur la défensive comme si une cascade se dressait devant le groupe et qu’il lui fallait à tout prix diminuer la cadence.
Foals a mué, il a troqué sa fougue contre une capacité certaine à prendre du recul. Plus ambiant, plus pop, les anglais brûlent les étapes (« After Glow ») et perdent de leur charme. Le monde va vite, trop vite, la colle sur les étiquettes est tenace, et seule l’exigence et la passion permette d’esquiver le carcan dans lequel les flux cérébraux cherchent à vous enfermer. Il n’y a nul regret du passé, il n’y a que de l’adhésion à cette remise en cause de l’acquis. Néanmoins l’adhésion intellectuelle n’implique nullement l’adhésion émotionnelle. A vouloir modifier sa voix au point de la rendre méconnaissable (« Black Gold ») et à ralentir le rythme afin de rendre intelligible des sonorités qui ne demandaient pas tant d’exposition (« Total Life Forever »), Yannis Philippakis se retrouve dépourvu de toute innocence, de toute instinctivité. Il en résulte des titres post-rock particulièrement froids où l’ensemble du groupe semble contrit sous le poids de son leader (« Spanish Sahara »).
On savait que le groupe ne se retrouvait pas dans « Antidotes », et pourtant en le comparant avec « Total Life Forever », il en résulte que ce premier effort possédait une fougue évidente, un plaisir instinctif. Ici tout semble être calculé, prémédité afin d’être conforme à un plan établi qui viserait à se prévaloir de tout reproche sur une hypothétique futilité. Du coup, la folie dévastatrice qui habitait des titres comme « Hummer » ou « Balloons » disparaît sous une quête de la perfection qui manque pourtant d’exigence (« What Remains »).
Alors que « Cassius » officialisait l’entrée de la technicité dans un monde pop, « Total Life Forever » se laisse porter en ne relevant la tête que sur de trop rares ponts (« Alabaster »). Vues les prestations scéniques de Foals, il était difficile d’imaginer qu’une trop forte conceptualisation arriverait si facilement à bout de la frénésie qui animait les cinq d’Oxford (« Miami »). Les ballons se sont envolés sans même réaliser que le ciel n’était pas dégagé. Le ciel est devenu une mer et Foals s’est noyé.
Note : 4/10
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