Les vacanciers ont enfin quitté les plages et le pays a retrouvé sa vie, une vie moins intense mais plus naturelle. Malgré les températures qui baissent, le ciel se reflète enfin dans la mer sans honte et sans pudeur. Il se dévoile, laisse tomber sa robe, et la chaleur de sa peau réchauffe l’air et lui donne une teinte légèrement rosée. De l’autre côté, il y a les terres, cette campagne qui est pourtant si près de la mer, cette campagne dont certains sillons sont encore recouverts de sable. Au milieu, comme une porte qui scelle le passage entre deux mondes, se trouve la maison en bois. Des fenêtres qui s’ouvrent sur le nord, on peut apercevoir au loin des pêcheurs du dimanche dont les silhouettes s’entrecroisent avec celles des nuages avant de se contempler simultanément dans l’eau tiède où le menue-fretin a trouvé refuge. De l’autre côté, en se plaçant sur le seuil, le regard pointant vers le sud, on découvre des prairies accueillantes qui incitent la solitude à venir s’installer définitivement.
C’est dans cette maison de bois que Carp a enregistré son second album « Day Walks ». Tout comme Patrick Watson, avec qui il partage des accointances mélodiques, Carp se construit autour de la voix de son charismatique leader Benoit Guivarch, et c’est accompagné de Antoine, Sylvain et Fabrice que ce dernier a transformé une cabane en véritable studio.
Les notes de piano sentent le bois qui vieillit paisiblement et les frappes de batterie restent suspendues en l’air comme si le temps s’était arrêté. « Day Walks » n’est pas pour autant un album bucolique, il s’agit d’autre chose, le lien à la nature requiert plus d’un rapport au temps qu’un rapport à la flore (« Seventies »), et il faut souvent attendre la fin des titres pour laisser la fraîcheur d’une rythmique pop inonder la folk spatiale (« Cold Waters »).
L’introduction de « Mystery » est équivoque et démontre l’appartenance aux différents mondes : dans une ambiance éthérée pouvant rappeler une ballade de Leonard Cohen, Benoit Guivarch joue sur les mots et le « Was that a mystery, for you to end so sadly ?, Mystery » aidé par la complainte instrumentale ne cesse de devenir un « Was that a mysery, for you to end so sadly ?, Mysery ». Puis les mains soulèvent l’énorme battant des pianos à queue et les pédales tonales s’enfoncent jusque dans le sol (« Tate »).
Malheureusement, les guitares et le piano ne sont parfois plus contrôlés et se laissent emportés par des bourrasques hivernales pour un résultat un peu incommodant qui oublie la retenue du territoire (« Bees »). Le songwriting a du mal à conserver la même intensité qu’au levée du soleil (« The Greatest of Ease »).
« Day Walks » ne reste peut-être que la maquette d’un chef d’œuvre, mais contient une intimité magique qui prend pas surprise et accapare l’auditeur comme elle accapare ses musiciens (« When I Try »). Pas étonnant que le groupe poursuive son aventure sur les routes et ait décidé d’aller livrer lui-même ce galet breton chez les des disquaires sélectionnés pour leur capacité à reproduire des maisons de bois dans les lieux les plus isolés.
Note : 7/10
>> A lire également, la critique de Lyle sur Dans le mur du son…, la critique de Arbobo et la critique de Mmarsup sur Little Reviews