L’amour soigne l’addiction mais tue la musique. How to Destroy Angels doit-il être considéré comme une preuve d’amour, comme un présent à Mariqueen Maandig ? Doit-il être vu comme une volonté de Trent Reznor de réunir dans une même entité les deux choses qui comptent le plus pour lui ? Devrait-on alors s’émouvoir de la signification de ce disque et porter un regard attendri sur ces erreurs si flagrantes qui sous ce nouveau spectre deviendrait touchantes ?
A l’écoute de ces six titres au combien laborieux, on ne sait qui est le plus égoïste, le musicien qui sacrifie son génie musical au nom d’un bien être personnel ou l’auditeur qui n’essaye même pas de se réjouir de la stabilité retrouvée de l’homme.
En écoutant How To Destroy Angels, on ne peut s’empêcher de penser au « Maxinquaye » de Tricky, à cet autre album où un génie torturé créait un écrin pour sa femme, un écrin à la fois comme prolongation de lui-même mais aussi comme démonstration de sa capacité à apaiser son monde pour y laisser pénétrer l’autre. La comparaison est d’autant plus évidente qu’en remplaçant la voix reznorienne par celle d’une muse, les beats industriels se rapprochent de plus en plus des sonorités bristolliennes non seulement de Massive Attack mais surtout des titres comme « Overcome ». Mais au final, le résultat est le même : l’impression d’une compromission, le sentiment que la lumière a (à tort) percé les ténèbres. Et encore Mariqueen Maandig n’est clairement pas Martina Topley-Bird, et ses faibles compétences vocales sont souvent amenées à être masquées par des artifices de production (« BBB »).
Si « The Slip » était un album qui en voulant synthétiser dans des formats courts toute la carrière du maître s’était allègrement vautré dans une ode à l’auto-parodie, How To Destroy Angels va encore plus loin dans le recyclage en reproduisant quasiment à l’identique les schémas du passé – la boîte à rythmes de « Fur Lined » étant un décalquage quasi-exact de celle de « Only » sur With Teeth -, et en déposant sur des b-sides de Nine Inch Nails des harmoniques vocales qui se forcent à reproduire, avec plus ou moins de succès, celles de Trent Reznor ; le souci étant évidemment qu’il ne suffit pas de se calquer en termes de notes pour dupliquer la violence innée de l’original.
Sans grand étonnement, c’est quand la voix ne susurre qu’à discrétion et que Trent Reznor est seul aux manettes que How To Destroy Angels arrive à nous replonger dans des ambiances connues mais qui interpellent toujours grâce à leur façon si caractéristique de superposer les sons, d’accroître les distorsions et de livrer des finals complexes (« Parasite »). Oui dans ces moments là, on retrouve un peu de « The Fragile », certes dans une version aseptisée mais dans une version quand même (la géniale rythmique de « The Believers »).
Il y a évidemment une certaine malhonnêteté à s’offusquer si nettement de ces chansons qui ne sont jamais indigentes ou vulgaires, mais l’on ne peut définitivement pas se contenter sans sourciller de n’être plus que le cadeau de la marié, le dindon de la farce.
On a juste hâte maintenant que Trent Reznor fasse à nouveau corps avec la machine et qu’il redevienne le Bullet Man qui possède en lui la folie des architectures sonores.
Note : 5,5/10
>> L’album est disponible gratuitement sur le site du groupe