[ATTENTION SPOILERS : A NE LIRE QU’APRES AVOIR VU L’INTEGRALITE DE LA SAISON] La saison 2 de Fringe est un miroir de la première, l’équivalent dans le monde parallèle de la même histoire, un double qui ne diffère que par de légers petits détails. Dans les grandes lignes, les épisodes s’enchainent toujours sur le même canevas : une brillante introduction digne des plus grands moments de X-Files précède systématiquement l’arrivée du trio Dunham / Bishop² qui après avoir ramené le corps au laboratoire s’évertua, non sans peur, à résoudre l’énigme via le recours aux sciences parallèles et aux drogues. Dans cette routine digne des Experts, les créateurs arrivaient depuis le début à générer une tension de plus en plus forte grâce aux nombreux détails qui contribuaient au développement de l’histoire globale mais surtout en s’appuyant sur des pitchs ingénieux et palpitants. Dans le train-train scénaristique naissait une féroce ligne directrice à même d’assurer la mise en place de la mythologie. Pourtant, si la trame reste la même, à comparer les deux saisons, on sent bien que quelque chose diffère…
Dans la saison 1, les épisodes stand alone ne servaient qu’à meubler en attendant ceux qui feraient avancer l’histoire globale et permettaient de patienter en attendant l’époustouflant Final Season qui voyait (ré)apparaitre Leonard« Spock » Nimoy et les Twin Towers. Au contraire la saison 2 pêche par la faiblesse des épisodes mythologiques et se voit contrainte de se rattacher à ses haletants stand alone (on pense en vrac à Fracture, Dream Logic, Snakehead). Si en apparence, les deux mondes sont les mêmes, le ressenti lui connait bien des variations impactant. On ne sait ainsi plus trop sur quel pied il faut danser, les épisodes importants apportant leur lot de déceptions tandis que ceux interchangeables font preuves de scénarios diaboliques taillés pour mettre en valeur le jeu de John Noble.
Peut-être que le poids de la révélation de la première saison était trop lourd à supporter. Tout d’abord, Fringe met du temps à retrouver ses bases, il faut tenir compte du changement sans remettre en question la structure. Les scénaristes ont ainsi recours à des tours de passe-passe un peu grossiers et ne nous éviteront même pas le running twist de l’amnésie. Ce n’est que lorsque Dunham retrouve du poil de la bête sous l’impulsion du tenancier du bowling (un des personnages les plus réussis de la saison) que, en prenant exemple sur son héroïne, Fringe réussit à retrouver sa vitesse de croisière.
Malheureusement, dès qu’il s’agit d’avancer significativement et d’arrêter de tourner au tour du pot, la dynamique s’enraye, les révélations font l’effet de pétards mouillés, et les scènes clefs passent à côté de leur sujet d’un point de vue émotionnel. Il faut dire que de grands (et légitimes) espoirs étaient placés dans le personnage de Walternatif, et que ce dernier s’avère au final n’être rien de plus qu’un méchant lambda peu à même de générer le trouble. Un peu comme cette saison 2 face au final de la saison 1, John Noble semble ne jamais réussir à effleurer le génie de l’original. Du coup, il suffit de tirer sur la ficelle pour que la pelote se déroule tristement : les retrouvailles entre Peter et son vrai père manquent tragiquement d’intensité, tandis que celles entre Walter et William Bell se limitent à des chamailleries entre vieux croutons (je dis ça avec toute l’affection que j’ai pour les personnages).
Alors que sur le papier, l’idée de faire connaissance avec le double de chaque personnage s’avérait palpitante, la mise en oeuvre se révèle souvent au mieux parodique, au pire ridicule. Alors que l’on sait à quel point l’exercice est risqué et combien la création de doubles qui doivent différer tout en étant pareil est un terrain glissant, on s’étonne de voir intervenir à trois épisodes de la fin un stand alone en forme d’histoire racontée par Walter où la narration « Fringe » se voit calquée dans un passé imaginaire des années 60. Oui parce que s’il est déjà difficile de voir Astrid caricaturée en stratège militaire, imaginez l’effet quand vous l’avez vu juste avant jouer à la secrétaire de détective. On ne sait s’il s’agit d’une maladresse ou d’une trop grande confiance dans un final soi disant explosif mais la saison 2 souffre énormément de ce côté remplissage. Entre l’épisode 11 tiré des chutes de la saison 1 (où l’on croise un Charlie Francis même pas mort sans que le showrunner s’en offusque plus que ça – il n’aurait pourtant pas été difficile de sauver l’honneur avec un « 2 ans plus tôt ») et la mini-enquête d’un Peter Bishop qui a fui tout seul de son côté, on a l’impression que le soufflet passe plus de temps à se dégonfler qu’à exploser. C’est une chose de faire du remplissage, c’en est une autre de l’afficher clairement. D’autant plus, qu’à côté de ça, cette saison 2 passe avec une vitesse dérangeante sur certains personnages. Plutôt que d’écouter les vielles histoires de l’oncle Walter, on aurait préféré que les trois autres cobayes apparaissent plutôt dans le récit et y trouvent une place autre que celle d’un artifice scientifique permettant l’ouverture d’une porte.
Alors bien sûr, on ne fustigera pas ici, une série capable de générer des variations SF et de jouer brillamment avec les codes (il suffit à ce sujet de se délecter de l’épisode qui raconte le passé de Walter et s’offre un onctueux générique vintage criant de vérité). JJ Abrams a toujours laissé entendre que Fringe serait plus proche de Alias que de Lost, et on s’évitera donc une comparaison entre l’autre monde de Fringe et les side-Forward de la saison 6 lostienne. Cependant une chose est sûre, à trop jouer sur le final casse gueule, Olivia Dunham risque de se retrouver dans la même situation que Sydney Bristow. Pas sûr que la série arrive à se relever du cliffanger final dont on a du mal à imaginer qu’il puisse déboucher sur un scénario excitant.
Note : 5/10
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