Seuls les plus forts survivent ? Si tel est le cas, l’intention du producteur Dumhi (connu sous le nom de Haj) et de son armée de rappeurs aux flows acérés est de déclarer la guerre à Strong Arm Steady. Bons joueurs, le clan du hip hop underground de Philadelphia laisse même le choix des armes ! La west coast tremble, Madlib use de tout son savoir faire soul mais rien n’arrête le nouveau gang qui ajoute à sa recette déjà pleine de groove l’appel au voyage cher à DJ Vadim et à One Self. Il n’y aura pas de prisonnier, pas d’occasion d’expier ses fautes ; seul restera un saxophone qui guidera les âmes perdues à travers les ruelles sombres (« No Redemption »).
Comme tous les grands producteurs, Dumhi possède avant tout le sens du sample qui tue, celui qui transportera l’auditeur dans un autre pays (Mexique) ou dans une autre époque (celle de la Blaxpoitation) et offre ainsi d’imparables machines à haranguer avec par exemple un « Philly Cousins » boosté par le hargneux Reef the Lost Cauze, featuring ici le plus récurent. Sur le single « Dumhi Cannons », c’est comme un Thanksgiving en famille, on ne sait jamais s’il s’agira d’un tendre moment où l’on se ressourcera ou si au contraire on y réglera ses comptes dans le sang et le larme. Car oui c’est bien toujours de famille qu’il est question avec ce « The Jungle » : Random est la voix récurrente de Haj tandis que Ethel Cee travaille aux côtés de Reef the Lost Cauze (« Not That Easy » sur son album solo de 2008).
Plutôt que de gonfler artificiellement la tracklist, Dumhi préfère laisser les attendues interludes venir s’intercaler en toute discrétion à la fin des titres un peu comme des extraits de dialogue sur une BO de Tarantino. On ne tarde pas à se retrouver à courir sur la bande originale d’un film de genre où les scratchs qui ont déserté beaucoup de productions actuelles s’avèrent accrocheur comme jamais (le charmeur « Kill That »).
Dans un style où les MC aiment déblatérer et où les producteurs ne veulent jamais partir avant d’avoir sorti l’intégralité de leur beats, Duhmi fait preuve d’une très grande tenue où les nombreux invités ne nuisent jamais à la cohérence. Rien ne dépasse, le dosage est parfait, un cocktail de chef qui gère en mode automatique montées et descentes. Même « Into the Jungle » et « To Walk the Streets » les deux titres instrumentaux qu’on aurait pu imaginer moins essentiels s’avèrent rappeler les grands moments du « Endtroducing » de DJ Shadow. C’est comme si un obscure geek de Los Angeles attaquait Aphew Twin sur son propre terrain, non seulement sans baisser la tête mais surtout en faisant comme si tout cela était inné et naturel chez lui.
Aucun break, aucune baisse de régime, chaque chanson comporte son petit gimmick qui non seulement la rend unique mais qui surtout lui permet à chaque refrain ou couplet de narguer la monotonie. Si « Indian Summer » le précédent disque de Dumhi laissait supposer qu’il pourrait rassembler les troupes philadelphiennes, rien ne laissait supposer qu’ils les mèneraient si brillamment au combat et gagnerait la guerre.
Note : 8/10
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