En 2009, « The Hazards Of Love » de The Decemberists avait désarçonné les amateurs de « The Crane Wife » (et plus encore de « Picaresque ») : une âme perdue dans la ville, une créature fantastique au cœur languissant, une reine de la forêt soupçonneuse, des fins de morceaux ployant sous la pedal steel, un thème récurent et des personnages incarnés par des voix différentes ; le groupe de Portland sortait un opéra folk rock ampoulé et consumé par son sujet. Deux hypothèses s’offraient alors à nous, soit « The Hazards Of Love » était le point de rupture à partir duquel le groupe ne ferait que sombrer, soit il serait un de ses écarts manquant de panache mais point d’ambition qui parcourt souvent les discographies des grands. Autant le dire de suite, à l’époque je n’aurai pas misé un kopeck sur la seconde hypothèse.
« The King is Dead » voit donc les américains revenir à un format plus standard, et accompagnés par Peter Buck. Si la simple présence du guitariste de REM sur quelques titres ne suffit pas pour établir un lien musical indélébile entre les deux formations (The Decemberists conservant ses banjos, ses violons et ses particularités), on ne peut en revanche s’empêcher de voir des similitudes en termes de positionnement. Ici The Decemberists sonne comme un gong ancestral, comme un pilier de la musique américaine, comme un groupe qui aurait toujours été constant (ce qu’il n’a en réalité jamais été) et sur qui on aurait toujours pu compter. Oui il y a du REM dans « Down By the Water » mais il y a aussi du Pearl Jam et de toutes ces forces de la nature qu’on sait qu’elles pourront nous accompagner encore longtemps.
Je parle de « force de la nature » mais il s’agit en fait plus de « force tranquille » tant des titres comme « Don’t Carry It All » affirment une simplicité, une évidence qui puisent ses racines dans l’americana, tout en sonnant moderne et ce sans jamais ridiculiser l’harmonica. Il y a dans cette facilité d’écriture, dans cette manière de revisiter le patrimoine, de le rendre plus accessible, des effets qui peuvent rappeler le positionnement des prétentieux Kings Of Leon (« Calamity Song ») mais si le roi est bien mort et que The Decemberists veulent prendre sa place, on n’ira nullement crier aux armes.
Les ballades folk comme « June Hymn » sont un peu rugueuses, un peu doucereuses et saupoudrées d’une honnêteté qui rappelle Robyn Hitchcock (qui a également été épaulé par Peter Buck sur son dernier album ; ça ne peut-être une coincidence). Ce sont des chansons pour traverser le désert, des chansons enfin traversée par des mélodies étincelantes (« Rox in the Box ») – le groupe m’ayant surement à tort toujours semblé avare en mélodies florissantes.
Les morceaux les plus enlevés, comme « This Is Why We Fight », interagissent parfaitement avec les titres plus classiques, et si l’on décèle pour la première fois dans les refrains des velléités de chansons de stade, celles-ci s’effacent sous le bénéfique équilibre qu’offre ce « The King is Dead ».
A ce rythme là, on pourrait même leur excuser un nouvel opéra.
Note : 7/10