Il y a les artistes qu’on n’aime pas, et pour lesquels les justifications sont rationnelles ou non. Nous sommes normaux, subjectifs, soumis à nos affinités électives. Et puis il y a ceux pour lesquels on a du respect, dont on comprend la démarche mais qui ne nous parlent pas parce qu’il y a un petit quelque chose qui manque pour nous faire chavirer (je n’étais pas le seul). Dans le cas du trio anglais, j’avais toujours trouvé leur musique intéressante aussi bien sur album qu’en live, je trouvais que l’énergie n’était pas suffisante pour transformer une certaine tension en transe (ou en hypnose). La comparaison avec des groupes plus nerveux dans leur rayon comme Caribou ne jouait pas en leur faveur pour moi.
Pourtant, impossible de ne pas les reconnaître du premier coup d’oreille, tout est là. Un chant très effacé, presque chuchoté. On ne peut pas les accuser d’être outrancièrement tapageurs d’une manière générale. Le premier morceau part dans des semi-délires psychédéliques. Demi parce qu’on est quand même dans une musique policée. Mais il y a de l’intensité sur Sixteen Shades Of Black And Blue, une ambiance plus pesante. On retrouve comme chez énormément de nos contemporains une forte influence de Can, notamment sur la remontée d’acide de Ok, Cat Got Your Tongue. Ils en sont plus proches encore maintenant qu’ils semblent plus lâches, moins policés (Taiwanese Roots).
Il faut toujours une référence ou deux, un point de comparaison pour bien montrer qu’on est attentifs à trouver des ressemblances partout. Par exemple, le petit synthé aigre de Suicide sur Tinsel & Glitter. Quant à Universe, la mélodie du clavier est identique à celle d’In The Garden des Einturzende Neubauten. Ce n’est pas une indication, bien sûr, mais je m’en serais voulu de vous avoir laissé à une frustrante recherche de similitudes.
Evidemment, quand le ton se fait un peu plus nerveux comme sur Pills ça passe très bien évidemment, même si comme en aéronautique augmenter la vitesse est un des seuls moyens de maintenir en vol un aéronef à la portance limitée. A l’extrême opposé, on a l’impression qu’en ralentissant le tempo, ce serait du Air qu’on entendrait. Je serai complet en indiquant quand même que mon attention a souvent fléchi en fin d’album.
Réconciliation ? Le terme est sans doute un peu erroné. Je sentais confusément qu’il faudrait soit un petit changement dans leur musique soit dans mes attentes pour que le charme opère. Such a little thing makes such a big difference a chanté Morrissey en d’autres temps et c’est un peu ce que je ressens ici, puisque je suis passé d’une froide distance à une addiction légère, cette musique plus faite pour vous faire dodeliner de la tête que vous plonger dans une transe irrépressible semble en tous cas avoir atteint son rythme de croisière.
Note : 6/10