Rajko Müller est un expert en chimie : pour que la pluie qui tombe soit toujours plus que de simples particules d’eau, il mélange celle-ci à la poussière, au sable, à la mer et à la boue. De ce fait il y a toujours quelque-chose qui vient se greffer sur sa base house, et la noirceur des jours de pluie se transforme en expériences visuelles et auditives. Lorsque les gouttes tombent, elles ne meurent plus, elles se transforment en dégageant autour d’elles des particules qui restent en suspension dans l’air.
Sur « Thirteen Times An Hour » on renifle le dub de Moritz Von Oswald, sur « Hold On » on renâcle les glitchs de Scott Herren, tandis que sur « Paloma Triste », aucun doute ne subsiste : ce sont bien les slaps de la basse de Tom Jenkinson qui viennent de par leur sonorité jazz-funk successivement contrebalancer ou appuyer le drum pad de Isolée. Dans un premier temps on s’émerveille, mais rapidement, on réalise que ces déformations ont un quelque-chose d’insalubre. Devenu méfiant, à la fois contrit par les emprunts trop visibles et amusé par le jeu des influences, on se met à imaginer chaque morceau non pas pour ce qu’il génère mais pour ce qu’il représente (tiens et si ce « Taktell » était de la microhouse à la sauce Cristal Castles ?). On devient fou, la paranoïa s’installe et on oublie l’essentiel. On regarde impuissant la pluie se mélanger.
Très vite les mêmes défauts que le néanmoins très bon « We Are Monster » surgissent. A trop travailler ses arrangements, à trop essayer de transformer les gouttes en or, en argent ou en bronze, Isolée en oublie de se focaliser sur le plus important : la rythmique de la pluie qui tombe (« Journey’s End »). Ce qui compte, ce n’est pas sur quoi tombent les gouttes, mais comment elles tombent, à quelle fréquence. « Well Spent Youth » appelle trop à la conception physique des choses et pas assez à la danse irraisonnée (« Going Nowhere »).
Bien sûr, Rajko Müller possède toujours ce touché plein de finesse et sa house transgénique, lorsqu’elle est passionnée et construite sur un rythme qui n’est pas un simple faire-valoir, peut provoquer les plus inattendus des ravissements (« One Box »). Même paralysé par le froid, retenant cette salive devenue par la crève ennemie de la gorge, il nous arrive alors de fermer le parapluie et dans un instant d’heureux abandon de profiter du seul phénomène naturel qui cache les larmes.
Note : 6/10
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