Bob Dylan #1 : I Have a Dream
Un petit moment d’histoire. 28 août 1963, un certain Martin Luther King balance un certain “I have a dream”. Et un petit blanc-bec se joint à l’histoire avec sa guitare. Pas très à l’aise, les micros saturent. Trois cent mille personnes sont là, à écouter, ce n’est pas le plus rassurant pour un débutant. Mais le blanc-bec ne se dégonfle pas, et chante. Il chante et il chante ; concentré, il ne veut pas regarder cette mer de personnes devant lui. Derrière, Joan Baez se fraye un chemin pour déposer sa voix, soutenir son homme. Ils communient.
Bob Dylan, c’était la valeur montante, le kid de Duluth, Minnesota débarqué dans le grand New York. Du troubadour lumineux qui écumait les cafés du Village de New York, il était devenu celui qui changerait le monde. Ce jour d’août 1963, The Freewheelin’ Bob Dylan venait de sortir de la foule, et “Blowin’ in the Wind” ne tarderait pas à devenir l’hymne auto-proclamé d’une génération en mal de leader.
S’il a existé un Dylan engagé, il n’a vécu qu’entre mai 1963 et août 1964. Assez pour devenir le porte-parle désigné des envies et des revendications de la jeunesse. L’histoire veut que Dylan ait écrit “When The Ship Comes In” après s’être fait refoulé d’un hôtel, où Joan était entrée avec facilité. La colère en est la source. Celui qu’on appellera bientôt “le Prophète” règle ses comptes avec ceux qui ne le reconnaissent pas encore. Mais, à l’époque, on lit autrement la véhémence de cette chanson.
Le navire qui entre, c’est le salut, le salut pour le peuple noir américain, Goliath vaincu, David victorieux, les petits contre les gros. Le navire, c’est aussi Dylan. Et en 1963, quand il chante cela, il n’y a finalement aucun doute à avoir sur l’interprétation :
Oh the foes will rise
With the sleep still in their eyes
And they’ll jerk from their beds and think they’re dreamin’.
But they’ll pinch themselves and squeal
And know that it’s for real,
The hour when the ship comes in.
Voilà donc la naissance du grand Dylan, de l’ambitieux, du prétentieux, du mégalomane. Celui qu’on accueillera avec vénération dans les hôtels, même les plus minables. Il annonce à trois cent mille personnes que ça y est, c’est vrai, le navire entre au port, Dylan entre sur la scène prêt à tout ravager sur son passage, qu’importe ce que tout le monde pense et pensera. Ils auront beau se pincer pour espérer rêver, rien n’y fera.
“Only a Pawn in their Game” suit, et Dylan affronte la foule du regard, fier et sûr de lui.
>> La vidéo n’étant pas sur Youtube, faute de droits, il est possible de la visionner ici.
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