Outre le fait qu’il soit l’organisateur de la Fête de la musique électro-industrielle (18 juin 2011 au Point Éphémère) et qu’il compte parmi ses fréquentations des gens comme Empusae ou Flint Glass, Sylvgheist Maëlström a sorti un album en fin d’année dernière (diffusé par le webzine portugais pointu Connexion Bizarre) qui prend aujourd’hui une signification toute particulière. Musicien mais également peintre et architecte, le Français a également participé à des compilations remarquées et estampillées du sceau du label français cher à Flint Glass : Brume Records. Il décrit lui même son projet de la manière suivante : “Sylvgheist Maëlström, ‘esprit fantomatique de la nature’, est en effet la traduction sonore du mouvement incontrôlable de l’environnement reprenant ses droits sur la civilisation“.
Un Lahar est une avalanche, de boue et de débris rocheux, d’origine volcanique. L’album tire son nom de la catastrophe qui sévit un jour de mai 1980 dans l’Etat de Washington, quand le volcan Saint-Helen se déchaîna et élimina toute trace de vie humaine autour de lui. Sylvgheist Maëlström est littéralement fasciné par les catastrophes naturelles et les troubles climatiques dévastateurs. Tant et tellement que chacun des titres de l’opus en portent un nom. Si on en croit sa biographie, le Français aurait de très bonnes (et personnelles) raisons de se pencher sur les conséquences de tels phénomènes. Sa musique, bien que très abrupte et “descriptive”, ne rompt pas complètement avec les ornements naturels. Elle nous transporte vers des lieux dévastés, où règnent une odeur de mort et de chaires brûlées. Certains se croiront plantés au milieu d’usines désaffectées, où cohabitent des ogives pas encore complètement obsolètes, des vestiges de chaînes de travail, une rouille tendant vers le vert de gris et une friche étonnamment naturelle qui tente de reprendre ses droits. Une musique résolument industrielle donc, mais qui renvoie à une dimension picturale difficilement explicable. On peut aussi parfois la qualifier légitimement de minimaliste, tant elle est peu chargée en couches sonores. C’est d’ailleurs souvent ce qui fait le défaut de ce genre de musiques, plus particulièrement le rythmic noise : ce fameux excès de superposition des strates de sons. Ici les rythmiques s’embrasent de manière forcément hypnotiques et répétitives, renforçant un peu plus cette palpable apologie de l’alchimie du feu et de la rouille. L’oreille avertie constatera d’ailleurs que les textures donnent presque toujours l’impression d’être en fusion. Les nappes rendues par les synthétiseurs pourraient représenter quelque chose de moins destructeur, porteur d’un espoir encore vivace. Voilà qui illustre parfaitement ce que Sylmalm a tenté de réaliser et expliquer : “La possibilité de combattre l’inéluctabilité de l’anéantissement par la création. La création par l’antidote à la perte.”
Le présent nous apprend que parfois, les désordres climatiques ne sont pas que de la volonté de Dame Nature. L’homme, a force de jouer les apprentis sorciers, pourrait bien être l’auteur de sa propre perte pour qu’ensuite, enfin, encore une fois, la nature reprenne ses droits. Si tous les titres ne sont pas aussi passionnants que la démarche artistique et que l’artiste en lui même, Katrina, Lahar – Mont Saint Helens, Lothar, Chicxulub, Toungouska et Kobe sont absolument renversants et originaux, lâchant souvent une frénésie rythmique qui renvoie encore une fois à quelque chose d’incontrôlable. Les obsédés du contrôle et les nouveaux venus dans ce genre de sons resteront donc probablement sur le bord de la route, témoins peut-être de l’exode de ceux qui fuient les déchaînements futurs. Les autres attendent désespérément que Fukushima apparaissent en bonus track.
Note : 7/10