Atari Teenage Riot incarne un des plus beaux paradoxes de la musique punk. Qu’importe le nom qu’on lui donne, cette musique, c’est la révolte. Punk, hardcore, punk-hardcore, ou comme le dit Alec Empire lui-même, Digital Hardcore, ce n’est qu’une dénomination pour une musique profondément engagée, destinée à retourner les institutions, dénoncer la brute et les gouvernements, les méchants et la censure. Si l’on s’attarde sur le discours d’Atari Teenage Riot, on a très vite envie de rigoler discrètement. Les beaux discours, les grands “too much government control !”, tout cet anarchisme bon enfant comme la plus belle des révoltes d’un adolescent, pétant son Atari pour défier la société de consommation.
Sauf qu’Atari Teenage Riot en a lancé, des émeutes. A Berlin, notamment, pendant une techno parade sur un char. Et voir Atari Teenage Riot en concert, c’est oublier toute la naïveté du discours, c’est lever le poing en l’air sans raison, comme crier “nique la police” à un concert d’NTM. Parce que leur musique a toute la puissance de la révolte. C’est la fougue haineuse de l’adolescence qui s’exprime par les voix filtrées et distordues, les riffs faciles mais ravageurs, et le tempo épileptique des titres. Atari Teenage Riot est résolument premier degré. Pas de place pour l’ironie. Le discours transpire d’une sincérité frappante, même douze ans après la bombe 60 Second Wipeout et ses ravages dans les cours d’école, quand tout le monde hurlait “Revolution/Action !”.
Bien sûr, le temps s’est écoulé depuis. Atari Teenage Riot avait implosé après la mort de Carl Crack, d’une overdose, après la tournée Fragile de Nine Inch Nails. Atari Teenage Riot avait tout brûlé sur son passage, et Hanin Elias avait achevé le monstre avec ses éternels désaccords. Alec Empire s’enfuira, sortira des substituts d’ATR sous son nom, avant de s’apaiser sur le somptueux The Golden Foretaste of Heaven, déclaration d’amour aux gens et aux machines. Alors quand ils ont annoncé un retour, avec Nic Endo et CX Kidtronix en lieu et place de Carl Crack, c’était le doute qui prédominait. Nic Endo se contentant de reprendre les parties d’Hanin Elias. La tournée avait mis tout le monde d’accord, Atari Teenage Riot était toujours aussi présent, et la violence les portait toujours.
Alors un nouvel album, dix ans plus tard. Les engagements demeurent, la musique évolue. La recette de base reste la même, mêler au punk et au hardcore des bases techno, ne jamais ralentir, et crier le plus fort possible. Mais l’absence de compromis totale du passé a laissé la place à quelques petits détours presque apaisés. Et il est là, le problème. Avant, il n’y avait aucun répit, aucun temps pour souffler et écouter. Trop occupé à secouer la tête pour écouter les paroles et se retrouver en dissonance avec le discours. Les ralentissements d’Is This Hyperreal ? troublent parce qu’ils mettent en exergue le paradoxe de la musique d’ATR. Atari Teenage Riot semble un peu trop apaisé pour faire renaître la violence indécente des premiers albums dans les cœurs de rebelles enfouis sous une couche de cynisme. Mais cette perpétuelle révolte reste le moteur du groupe, et tant qu’ils ravagent tout sur leur passage avec cette spontanéité, on leur pardonnera.
Atari Teenage Riot revient avec Is This Hyperreal ? sur leur label, Digital Hardcore, comme un dernier disque pour nous raccrocher à notre adolescence.
Note : 7/10