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LA CONQUÊTE de Xavier Durringer

Sortie le 18 mai 2011 - durée : 1H45min

Par Thomas Messias, le 24-05-2011
Cinéma et Séries

Dans le genre “politique, fausse malice et vraie lourdeur”, on connaissait déjà les documentaires de Karl Zéro. La conquête fait mieux (et donc pire) grâce à un habillage fictionnel encombrant et en partie foireux, dans lequel les acteurs semblent ne jamais savoir s’ils doivent se lancer à corps perdus dans des imitations façon Patrick Sébastien ou s’il est plus sage de garder ses distances avec des personnages politiques continuant à être exposés médiatiquement. Le film de Durringer aurait pu être encore plus mauvais à condition de se transformer en une version très longue d’un mauvais sketch des Guignols, ce qu’il n’est pas tout à fait. En l’état, ce n’est qu’une petite catastrophe, un accident industriel qui devrait dissuader tous les producteurs français de tenter l’aventure d’un film politique sur des personnalités encore en place. Dire que La conquête manque de recul serait laisser entendre qu’il s’agit d’un film avec un point de vue. Or ce n’est qu’une accumulation poussive de diapositives éculées sur le fameux Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, Président de la République Française entre 2007 et 2012, et plus précisément sur les cinq années précédant sa glorieuse élection.

Scénarisé par le spécialiste du doc Patrick Rotman, qui se targue de s’être beaucoup documenté avant de se lancer dans l’écriture, La conquête est pourtant le film politique le plus illustratif qui soit. Tout spectateur français un peu au courant des différentes affaires ayant marqué la France entre 2002 et 2007 (les émeutes en banlieue, le CPE, Clearstream) sortira du film avec zéro information supplémentaire, l’esprit absolument pas stimulé par cette espèce de grosse frise chronologique sur laquelle on aurait collé à intervalles réguliers quelques bons mots susceptibles d’amuser la galerie. Les vacheries ou énormités proférés par Sarkozy, Chirac, Villepin et les autres sont immanquablement relayées dans le scénario de Rotman, comme s’il suffisait d’aligner des petites phrases déjà connues du grand public pour réussir une farce politique convaincante. L’atroce thème musical, digne d’une mauvaise comédie italienne ou d’un vieux Louis de Funès, est également là pour nous rappeler que, si si, La conquête a bien une vocation de poil à gratter cinématographique. Sauf que non. C’est un film poli, sans prise de risque, réalisé sans génie et tournant tout autour de ces quelques citations ayant perdu leur peu de drôlerie avec les années. C’est le Musée haut, musée bas de la politique, en somme. Jean-Michel Ribes aurait très bien pu être l’auteur de cette gaudriole sinistre mais prétentieuse, qui se gargarise des élans beaufs de ses héros pour mieux les reprendre à son compte.

N’optant ni pour une approche tacticienne de la fameuse conquête ni pour un pur portrait du futur président Sarko, le film slalome entre passages obligés et petits moments plus intimes dans lesquels il tente de reconstituer la lente fin du couple Nicolas-Cécilia. Qu’elles soient véridiques ou recréées de toutes pièces, ces scènes conjugales sont d’une vacuité à faire peur, l’éphémère première dame étant sans doute le personnage le plus sacrifié sur l’autel de la tiédeur. Réduite au statut de pleureuse à poigne de fer, elle est interprétée qui plus est par une Florence Pernel larmoyante et empesée. Les scènes dans lesquelles on est censé deviner qu’elle commence à fréquenter Richard Attias valent leur pesant d’or. La direction d’acteurs n’est de toute façon pas le fort de Durringer : si ses interprètes les plus doués s’en tirent avec les honneurs (c’est le cas de Denis Podalydès, qui tente d’aller au-delà de la simple panoplie de tics sarkozystes), les autres plongent tout de go dans un ridicule même pas assumé. La conquête en fait des porteurs d’anecdotes, des petites icônes pittoresques mais jamais crédibles. On reprochait au savoureux W d’Oliver Stone une scène jugée superflue dans laquelle l’ancien président américain s’étranglait avec un bretzel. Petite pique bien inutile dans un film au vitriol. Hélas pour nous, le film de Xavier Durringer a des allures de bretzel géant, comme s’il n’y avait rien à dire sur le fond. Rendant Sarkozy plutôt humain, presque sympathique, c’est un film médiocre, sans courage, qu’aucun professeur d’histoire ne pourra utiliser, dans un an comme dans cinquante. Pathétique.

Note : 2/10

>> A lire également, la critique d’Alexandre Mathis sur Plan-C et la critique de Nico sur Filmosphère

https://www.youtube.com/watch?v=ttpV0mB4KFs