Il y a dix ans, lorsque Will Sheff et Jonathan Meiburg fondèrent Shearwater en marge d’Okkervil River, ils étaient loin de se douter du destin qui les attendait et du rôle qu’ils auraient à jouer au sein de l’indie-rock des années 2000. Animés d’une passion unique et partageant une vision commune du monde, ils naviguèrent ensemble, une année sur la caravelle, une autre sur la caraque, alternant ainsi les bateaux à chaque voyage. Puis au fur et à mesure de leurs explorations et de leurs conquêtes des mers, on sentit une frustration poindre chez les deux capitaines, un sentiment de ne pas en faire assez, de doublonner inutilement leurs efforts. C’est alors qu’ils décidèrent de se répartir les tâches, l’un découvrirait le sud tandis que l’autre s’enfoncerait toujours plus loin dans le nord. Ils vogueraient toujours ensemble mais chacun sur son propre navire, dans un sain esprit de compétition et ce en conservant toujours un objectif commun.
Mais à force de se toiser amicalement, d’une île à l’autre et d’échanger sur leurs avancées respectives via des courriers qui n’atteignaient quasiment jamais leur destinataire, on en arriva à se demander si les deux hommes voyageaient encore sur la même mer : En 2008, alors que « Rook » de Shearwater creusait le sillon d’une folk émotionnelle, maniérée et sensible, Okkervil River, au travers de « The Stand Ins », imposait un son indie-folk qui triturait les entrailles des Etats-Unis avec énergie et envie ; et ce fut la dernière fois où l’on put entrevoir la complémentarité entre Will Sheff et Jonathan Meiburg.
Shearwater a dès lors affirmé ses intentions ! Grandiloquente et affectée, la caraque a sillonné entre les icebergs et s’est définitivement installée sur ces glaces du grands nord où le soleil se reflète parfois en éblouissant hommes et animaux ; et Jonathan Meiburg s’est fait enrôlé dans une nouvelle flotte (Blue Water White Death sous l’égide du commander Jamie Stewart). Mais alors qu’on pensait que Okkervil River saisirait cette opportunité pour lui aussi affirmer sa nouvelle indépendance, pour se prosterner devant les terres verdoyantes et laisser ses chansons devenir des hymnes du nouveau monde, « I Am Very Far », leur dernier voyage, s’avère être une bouteille à la mer envoyée à un passé révolu. Réalisant que son frère d’arme a abandonné son poste, a délaissé son bout de mer et a décidé de ne plus honorer leur pacte, Will Self semble chercher à tout reprendre, l’americana (« Rider » ; comme par hasard le meilleur titre de l’album) et les émotions apprêtées (« We need a myth »), la joie et la tristesse, comme s’il souhaitait régner sur la mer de son ancien compagnon tout en conservant le côté instinctif défriché par sa caravelle.
Du coup on se retrouve souvent avec des chansons perdues entre deux mers, des chansons qui ne sont ni suffisamment à fleur de peau, ni suffisamment spontanées, des chansons au songwriting décevant (« Mermaid ») et aux instrumentations pesantes (« Your past life as a bast »), des chansons trop occuper à conspirer pour réellement toucher (l’irritante intrusion électronique sur « Piratess »), des chansons lestées qui finissent par couler au fond de l’océan (« Wake and be fine »).
Note : 4,5/10
>> Un toit, un avenir : aidons Haïti à se reconstruire : Playlist Society soutient Planète Urgence dans le cadre de l’opération humanitaire “Un toit, un avenir” qui s’adresse aux populations sinistrées par le séisme de janvier 2010. Ce projet porte sur la réhabilitation des habitats et un appui aux activités économiques. Laurence Guenoun, photographe, est parti là-bas pour faire des reportages et des photos. Elle en est revenue avec une idée précise : agir à son niveau et partager ses connaissances avec des enfants. Elle aimerait donc leur fournir des cours de photographie et monter des ateliers d’apprentissage sur place. Afin de trouver les fonds nécessaires pour cette opération, elle organise avec Planète Urgence une vente de photos : https://www.planete-urgence.org/nous/vente-photos-haiti.php