Ceux qui pensaient que l’IDM ne devait sa survie qu’aux sursauts inégaux de ses gloires passées, ont forcément eu l’agréable surprise de constater qu’un ordre nouveau était en marche (même si Gridlock, Hecq ou encore le Français Nebulo avaient déjà posé il y a quelques années les jalons de cette évolution). Tout comme Stendeck, Tapage ou Pleq et Semiomime dans des registres bien différents, le New-yorkais Access To Arasaka est un de ces rejetons. Ses albums Oppidan (ici) et void(); (ici) ont d’ailleurs surclassé toute concurrence potentielle ces deux dernières années.
Access To Arasaka est un symbole. Tout d’abord pour tous les geeks reclus qui se cherchaient des héros virtuels en parcourant les pages de Dick, Gibson et Orwell, ou en visionnant de manière compulsive Blade Runner ou Terminator. Effectivement, la littérature et le cinéma avaient fait leur boulot (avec une qualité inégale) pour témoigner des théories cyberpunk et de la prise de contrôle des machines sur notre glorieuse espèce. Il était vraiment temps que la musique vienne apporter sa pierre à cette édifice pré-apocalyptique. Si ces deux premiers et très différents longs formats avaient illustré magistralement les conflits internes de la matrice en livrant une somme impressionnante d’informations à la minute, Orbitus laisse émerger d’autres sensations. Access To Arasaka est parvenu à donner à sa musique une profondeur et une spatialité impressionnante. Le son est beaucoup moins fractionné et tortueux. L’implacable matrice serait-elle dotée d’émotion ? On n’aurait jamais pensé que le son d’ATA puisse être transpercé par un tel spectre de lumière. Sourceet Sicral semblent inviter l’auditeur. “Tournez vous vers les ruines de fer, de verre et de béton. C’est des profondeurs que viendra le rédempteur de l’espèce émergente”. Non pas un élu car tous ceux qui auraient pu voter pour lui ne sont désormais plus que poussière. Juste un être hybride, un humanoïde né de sang, de métal, d’uranium enrichi et de processeurs. C’est en s’abreuvant à l’ombre d’une oasis d’hydrocarbures que ce nouveau Narcisse d’un nouveau Big-Bang prit conscience de son apparence, de son reliquat d’humanité et de la mission qui était la sienne. Etre le premier être de ce nouvel ordre dévasté et reconstruire un soupçon de vie là où il ne devait plus jamais y en avoir.
Il est donc presque normal que ce mini album soit qualifié de plus contemplatif que ses illustres contemporains. Les ambiances prennent leur temps pour se planter, comme sur le lumineux Ellipse ou l’exceptionnel Cynosure. Le son est moins fractionné, tant et tellement que Fractured Relay (sur When Light’s Drillin The Haze) s’est mué en un Relay non moins impressionnant. Comme si Lioy avait fait le tour de ses prouesses techniques et informatiques pour revenir à quelque chose de plus essentiel. Le ressenti. Sentiment si humain et vecteur de scénarios subjectifs. En prophète des skyscrapers, ATA dessine ici une transition pour sa musique qui pourrait aussi en être une pour l’homme à l’heure de Fukushima. Car le destin de notre nouvel ami imaginaire ne s’annonce pas de tout repos si l’on en croit l’ambivalence d’un Kyokko, ou la clôture de Photons lorsqu’une nuée de guêpes bioniques semble tout absorber. Toute révolution prend son nid dans le sang, même si ce dernier est désormais beaucoup plus noir que pourpre…
Access To Arasaka ne s’arrête pas en si bon chemin et renouvelle magistralement son sillon. Un album à venir pourrait une nouvelle fois mettre tout le monde d’accord. On aimerait bien trouver quelqu’un d’autre à hisser au sommet. Pas sûr que ce soit pour cette année. Cliquez ici et faites vous même votre prophétie.
Note : 8,5/10