Si Arab Strap a été un groupe si important pendant sa décennie d’existence, entre 1995 et 2005, ce n’est pour aucune autre raison que l’alchimie parfaite qui régnait entre Aidan Moffat et Malcolm Middleton. Plus que leurs talents respectifs, c’est bien la complémentarité des deux artistes, l’impeccable équilibre de leurs forces qui faisait la justesse d’Arab Strap. On le voit bien depuis – chacun y allant de son expérience solitaire : Aidan Moffat peine à orchestrer ses textes pourtant sublimes, tandis que que Middleton, lui, se réfugie dans une pop instrumentalement réussie mais sans profondeur de champ, pour ne pas dire quelque peu stupide.
Les deux ne peuvent l’admettre et on le comprend : privé l’un de l’autre, quelque chose manque toujours. Moffat, qui nous intéresse aujourd’hui, n’a pas su décoller seul, n’a pas non plus tiré profit de son vieux side-project électronique L. Pierre, si bien que nombre de ses sorties ne furent qu’à peine de la musique, plutôt de la poésie audio maladroitement ornée de collages sonores. Pire, en 2009, associé aux Best-Ofs, il a raté son retour au folk-rock avec le très médiocre How To Get To Heaven From Scotland, d’un fade révoltant. Et cela aurait pu continuer longtemps encore s’il n’avait pas croisé Bill Wells.
Bill Wells, le sidekick parfait, discret compagnon des Pastels, d’Isobel Campbell, de Future Pilot A.K.A, responsable de quelques formidables galettes méconnues avec Tape, avec Maher Shalal Hash Baz ou Stefan Schneider. Principalement bassiste et pianiste, de formation jazz mais de sensibilité éclectique, Wells a le profil idéal du nouveau Malcolm Middleton : comme musicien total et caméléon, son travail de contrepoint, toute en mesure, ne fait que magnifier les épanchements personnels d’Aidan Moffat.
Nous n’avions pas en effet pas entendu les tourments de l’Écossais aussi bien mis en valeur depuis The Red Thread, il y a dix ans déjà. Principalement joué au piano, Everything’s Getting Older est un fragile recueil de méditations à voix haute, de petites histoires forcément anecdotiques, pas forcément irréprochables mais puissamment touchantes ou séductrices, qui une fois apprivoisées se laissent mal filer. L’humeur est ambiguë : d’un triste haut en couleur, d’une naïveté qui n’est que façade – cet album enchante et déchante en permanence, double-mouvement qui a longtemps été le sel d’Arab Strap et qui pour la première fois revit en un autre lieu.
On ne sait pas si la coopération entre les deux va se poursuivre. On l’espère, forcément, car au-delà de l’émouvant duo qu’ils nous proposent aujourd’hui, quelque chose d’une complicité réelle semble transparaître, une complicité à faire fructifier encore, et encore, et encore.
Note : 7/10