Concert de Michelle Blades et Glass Cake à Lille, le 19 juillet 2011.
C’est devenu plus qu’une habitude. Une tradition pourrait-on dire. Depuis trois ans, Camaraderie Limited gare sa voiture pleine d’instruments en face d’une maison à Lille, et depuis trois ans, on s’y rend sans trop savoir ce que on ira entendre. Le concept a éclos il y a quelques années : un concert dans un appartement, sans la hauteur d’une scène, sans la distance entre l’artiste et le spectateur. On ne peut même pas parler de spectateur, parce que l’on va au soirée Camaraderie Limited à l’aveugle, juste parce que le concept est beau.
On y retrouve à chaque fois les quelques personnes qu’on y a croisées l’année d’avant. Les hôtes, bien sûr, Jérémy, l’organisateur enthousiaste, les amis des amis ad libitum, les voisins, et des inconnus, qui ont juste entendu la rumeur et se retrouvent assis sur le carrelage dans le noir, avec quelques bougies autour, et une demoiselle, un ukulélé entre les mains. On les croisera à nouveau plus tard, ébahis et pas encore vraiment remis d’avoir entendu une telle musique dans un tel environnement. L’environnement y est primordial. Non pas que la musique est simple, moyenne ou inutile, mais ses émotions et sa force sont renforcées par une atmosphère spéciale. Chacun y amène une bouteille, des chips, des salades ou des gâteaux au chocolat. On se retrouve sur la terrasse à parler littérature, cinéma, art et parfois musique. On parle de nos aventures en Europe de l’Est, de nos escapades sur les autres continents, on va évoquer Daniel Johnston avec une des chanteuses. Il se créera une proximité entre chacun. Tout le monde se retrouve intégré dans un cercle de camaraderie, sans limite, alors qu’il y a quelques heures, on était d’étranges inconnus chez quelqu’un qui recevait des amis. On se sentirait presque comme ces amis, un verre à la main, à rigoler bêtement à la première blague venue, au moindre détail un peu amusant.
Rien que pour ça, les soirées sont réussies. La musique ne serait qu’un accessoire là-dedans, un petit prétexte pour faire se rencontrer des gens. Mais la musique, parlons-en. Elle est loin d’être un détail. Les deux Michelle, Michelle Blades et Glass Cake ne sont pas simplement des américaines qui jouent du folk. Dans des registres différents, elles illustrent parfaitement la beauté de l’idée de Jérémy : faire les choses simplement. Michelle Blades a acheté ses billets pour la France après seulement quelques emails, se lançant dans une aventure à l’aveugle, comme beaucoup de personnes venues écouter. Et leur musique, dans sa forme la plus simple, respire cet esprit. Les morceaux à détours de Michelle Blades, où l’ukulélé fait de l’oeil à la harpe de Joanna Newsom, et la voix va vibrer côté Alela Diane, contrastent avec ses sourires enjouées. Ses chansons imposent le silence, un “Nature Boy” a cappella, une chanson sur Avignon, une chanson qu’elle vient juste de composer, là-haut à l’étage. Et tout le monde en redemande. Pas ce rappel forcé des salles de concert, mais un engouement spontané. Alors on improvisera une chanson comme l’an passé, à base de claps et de “oh oh”, une vague sur laquelle Michelle se laisse portée allègrement.
L’autre Michelle, planquée sous le nom de Glass Cake, est plus Diane Cluck et Cat Power. De la guitare cette fois, et une voix remplie de graves. Plus allant, plus facile peut-être, mais jamais la bulle créée au début de la soirée ne se brisera. Au contraire, elle sera totalement inaltérable après la chanson de Tom Waits, chantée avec force a cappella, où la poésie du blues claque dans les oreilles comme une vérité insurmontable.
Finalement, la musique dans cette soirée n’est là que pour rendre une soirée entre amis inoubliables. A la différence près que ces “amis” étaient des quasi-inconnus il y a quelques temps. Alors on traîne, on reporte le départ, on blablate de tout et de rien, encore. On achète les disques fait à la main, l’après-midi, avec La Voix Du Nord du jour. Martine Aubry contre Michelle Blades, et pourquoi pas ? Et on s’en va finalement, se disant qu’on essaiera de se recroiser dans les mois qui suivent, mais que si on se rate, après tout, ce n’est pas très grave, on se verra l’année prochaine.
>> Le site de Camaraderie Limited : https://www.camaraderielimited.fr/
>> La tournée en appartement se terminera ce vendredi 22 juillet à Paris, avec Andrea Perdue et Kirisu en plus de Michelle Blades et Glass Cake.