LA MUJER SIN PIANO de Javier Rebollo
Sortie le 13 juillet 2011 - durée : 1h35min
À presque 50 ans, Rosa mène une existence médiocre entre son mari, qui ne se soucie que de ce qu’elle compte lui cuisiner, et son passionnant job consistant à épiler au laser des clientes manifestement plus aisées qu’elle. La mujer sin piano se penche tout particulièrement sur la nuit où Rosa, excédée mais toujours aussi calme, profite du sommeil de son époux pour faire sa valise et se faire la malle. Pour aller où ? n’importe où sauf ici. Très bien. Très bien.
Le film de Javier Rebollo est une sorte de road movie immobile, qui suit Rosa dans ses vaines tentatives pour s’éloigner de sa vie pourrie. On comprend très vite le principe de l’ensemble : pas aidée par des institutions sans coeur et d’évidentes prédispositions pour la poisse, Rosa ne parviendra jamais à concrétiser sa folle envie de tout plaquer. Un message éminemment déprimant, mais qui aurait pu donner lieu à un long-métrage d’excellente facture si le cinéaste ne se montrait pas aussi lourd dans son illustration. Téléphoné dans son déroulement, usant et abusant d’un symbolisme éculé, le film ne crée rien d’autres qu’une consternation polie.
Refoulée au guichet de la Poste en raison d’une pièce d’identité invalide, dans l’incapacité d’aller aux toilettes à cause des agents d’entretien, interdite de fumer par des lois répressives, Rosa est victimisée à chaque seconde, comme si les conventions sociales et les règles en vigueur étaient seules responsables de sa vie ratée. Et si les acouphènes dont elle est victime sont supposées la rendre encore plus humaine, encore plus digne d’obtenir notre compassion, il n’en est rien : le film n’impose ni le rythme nécessaire ni une intensité suffisante pour permettre de s’identifier et de la prendre en pitié.
Comme dans tout road movie, le parcours de Rosa est jalonné par des rencontres : Rosa croisera en particulier un réparateur polonais en fuite, avant tout intéressé par la bouffe et les appareils électriques. Imperméable à sa détresse, illuminé et légèrement obsessionnel, l’homme n’a d’autre intérêt pour Rebollo que celui d’enfoncer encore un peu plus l’héroïne dans une incommunicabilité édifiante. Le personnage n’est qu’un pion, un symbole de plus, comme tous les autres objets auxquels le réalisateur a recours.
Un tableau qu’on décroche puis qu’on raccroche, un téléphone portable dirigeant tous les appels de Rosa vers une messagerie désespérante, un piano destiné à montrer que cette femme-là n’est pas sans talent : chaque élément du film souffre d’un grave problème de dosage, puisque tout y est soit surligné mille fois, soit absolument sans signification. La mujer sin piano ressemble au film d’un ado qui aurait visionné et mal digéré de nombreux films d’auteur avant d’en recracher maladroitement les tics les plus grossiers. Le cinéma espagnol vaut sans doute mieux que ça.