Abd Al-Karim venait d’intégrer le département marketing dans des conditions un peu particulières. Du haut de ses 22 ans, il reprenait le poste d’un cador anglais qui avait occupé le poste 15 ans durant et qui avait été licencié l’année passée pour questions éthiques (la rumeur voulait qu’il eut écrit une série de lettres d’amour indécentes et déplacées à une stagiaire du département RH). Mais, malgré la controverse qui avait entouré le départ du fameux Edouard, ce dernier avait laissé chez ses collègues le sentiment indélébile d’un homme doux, avenant, sensible et d’un professionnalisme exemplaire. Oui il y avait une place à prendre mais non il ne serait pas aisé d’être à la hauteur du passé.
Sans jamais se prévaloir de la fonction, sans jamais citer le mot « twee », mylittlepony lui aussi concoure à prendre la place d’un géant anglais. Du haut de leur adolescence florissante et de leur Oslo natale, les cinq norvégiens (trois garçons, deux filles) possèdent l’innocence et la fraicheur qui permet de légitimer une candidature face à l’expérience de ceux qui paraissaient encore irremplaçables il y a trois ans de cela. C’est la nouvelle recrue qui ose tout mais avec toujours suffisamment de tact pour ne jamais agacer, c’est cette jeune femme qui prouve qu’elle a déjà les épaules assez larges pour gérer les bilatérales avec la communication (« Capital Of Norway ») et préparer seule les slides à destination du board.
Naturellement, il se dégage alors de « Making Marks » un sentiment étrange : celui d’être face à des enfants qui ont encore un pied dans l’insouciance estudiantine (« Fragments of an Island »), qui rougissent lorsqu’on les regarde avec un trop plein d’admiration (« I Volunteer ») mais qui d’une seconde à l’autre peuvent taper du point sur la table et faire trembler tout une assemblée de dirigeants exigeants et concernés (« Breakup with Myself »).
Ne négligeant pas d’aller asticoter les concurrents sur leur propre terrain (« I do remember » et sa délicieuse mélodie à la Air) et de toujours garder une carte en main (le single « Hard to be good » en deuxième partie d’album), mylittlepony font partie de ces jeunes recrues à qui on excuse tous, en laissant glisser sur nos lèvres un affectueux « Il faut bien que jeunesse se fasse ». Même le sirupeux « A Miracle » devient alors délicieusement maniérée.
Quelques mois plus tard, Abd Al-Karim sortit de réunion le sourire aux lèvres. Un collègue estimé venait de lui taper sur l’épaule en disant que comme quoi, même Edouard n’était pas irremplaçable…
Note : 7,5/10