La “rentrée” c’est comme la nouvelle année, ça a un truc d’angoissant rien que dans son nom. Rentrer alors qu’on ne savait même pas être sorti, recommencer quelque-chose alors qu’on n’avait pas l’impression d’avoir fini quoique ce soit. C’est une question de cycle et de temps qui passe, mais alors que les saisons accompagnent la vie, interagissent biologiquement avec notre corps, le balancent d’un côté pour mieux le rattraper de l’autre, les rentrées, elles, sont un mur à franchir, un obstacle dont il faut venir à bout de peur de s’aliéner.
On pourrait s’en foutre et ne jamais rentrer, faire les choses dans son coin, laisser couler l’été dedans et reprendre là où on en était, comme ça, sans chi-chi, sans rituel. Après tout on ne manquerait à personne et la rentrée se passerait bien de nous.
Ne jamais quitter pour ne jamais avoir à rentrer, n’est ce pas préférable à se séparer pour mieux se retrouver ? Parce que le terme ne doit pas nous tromper : la rentrée n’est jamais mieux que l’entrée ! On peut bien essayer de nous faire tourner la tête et de nous faire miroiter les plus beaux rêves, on sait bien que le nouveau et le maintenant auront toujours faible allure face au constant et au permanent.
Et pourtant on sera là. On sera là parce qu’on a peur d’être abandonné sur le bas côté. Nous sommes tous comme le professeur Herman dans « Un temps de saison » de Marie Ndiaye, on a pas envie de s’attarder après le 31 Aout, question d’habitude, question de formatage, question de sortir du rythme. Que ferions-nous sans ces maudites rentrées ? Nous serions perdus dans la jungle que nous avions cru dompter.
Il y aura la rentrée des classes et on sera heureux d’accompagner les enfants ; il y aura la rentrée littéraire et l’on sera content de renifler l’époque qu’elle sente bon ou mauvais. Les appréhensions disparaitront, on se réinsérera dans le flux, on ne pensera plus, on souffrira peut-être un peu moins.
Mais entre ces deux états de fait, il y a cette dernière journée, ce 01 septembre, ce moment de flottement où l’on a quitté ce monde en soi et où l’on n’a pas encore atterri dans le monde d’autrui. Et alors pour une unique et dernière fois, on a envie de vivre en dehors de l’histoire, de sortir les chansons de leur contexte et d’en faire des hymnes rien qu’à nous. Oui on voudrait une dernière fois s’imaginer comme le roi de la jungle, une dernière fois avant de se laisser happer par le quotidien, le plus terrible des prédateurs.
Et alors avant de rouvrir les yeux jusqu’à la prochaine halte, on écoute « King Of The Jungle » de The Last Resort.