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La parallaxe, c’est l’influence du mouvement, c’est la perception d’un objet qui change parce que la position a changé. C’est regarder d’un autre angle et ressentir différemment ; une histoire de subjectivité pure. La réalité reste ce qu’elle est, un bloc immuable. La parallaxe est un regard neuf, c’est court-circuiter la réalité en tant que telle, lui offrir un visage nouveau. C’est refuser de suivre le courant et de se résigner à une vision unique. La parallaxe, finalement, c’est l’incarnation de l’idéalisme, un mouvement perpétuel qui permet de toujours croire. On tourne et on tourne, on reconsidère sans arrêt, comme un déni flagrant de réalité.

Bradford Cox serait le roi de la parallaxe. Il est l’incarnation de ce paradoxe entre l’immuable et le mouvement. Les choses restent les mêmes, seule la façon de les regarder change. L’objet immobile, c’est lui-même. C’est sa voix, sa perception de la musique, ses mélodies, son approche des mots, sa façon de les étirer. Au commencement, sa musique était bruyante, noyée dans des élans de saturations et d’effets. C’était la folie de Cryptograms et la force du mur du son, un grand classique remis au goût du jour par Deerhunter dix ans après Sonic Youth. Et peu à peu, Deerhunter s’est épuré. Microcastle et sa pop, son “Agoraphobia” bien trop tubesque pour extirper la cire des oreilles comme avant. Halcyon Digest  en point d’orgue de cette évolution, Deerhunter n’est plus le groupe aventureux d’antan. Mais il y a une constante dans l’histoire : la force de la musique, qu’importe sa forme. Si la musique de Bradford Cox devient plus lisible, elle demeure au fond la même. Elle est hantée de la même sensibilité, qu’importe le niveau de distortion.

On pourrait appliquer le même cheminement à Atlas Sound. Seul, Bradford Cox s’est amusé à expérimenter. On se noyait dans le bonheur brumeux dans Logos, on se perdait dans ses Bedroom Databank, entre expérimentations parfois peu intéressantes et chansons folk à fendre le cœur. Parallax conclue la route. Bradford Cox opère un nouveau changement de perception sur la même entité : sa sensibilité.  Oui, Parallax est bien gentil, clair et lisible. Il est un album trop facile, trop catchy. Danser aisément sur “Angel is Broken”, pleurer aussi, un peu, sur “Te Amo”. Mais l’important est bien ailleurs. Parce que, qu’importe la forme, le fond demeure le même. C’est Bradford Cox qui chante la bande son de n’importe quel état d’âme, n’importe laquelle des humeurs, comme s’il sondait les sentiments mieux que tout le monde, savait les exprimer en trois accords et quelques mots. C’est toujours la fibre même de sa musique qui s’impose.

Bradford Cox ne cesse donc jamais d’opérer parallaxes sur parallaxes. Il offre toujours un regard nouveau sur ce qui reste profondément identique. Et nous, dans l’histoire, on a beau regarder cela dans tous les sens, on se retrouve toujours les bras ballants devant une telle sensibilité. Alors on abandonne lentement nos analyses trop poussées sur Bradford Cox. Tant qu’on ressent sa sensibilité résonner au plus profond de son ventre, les atours de sa musique n’importent pas. Et c’est ça le plus beau, dans ces histoires de perceptions. A la fin, on finit par oublier toutes ces histoires de parallaxe. Au lieu de remodeler la réalité en changeant d’angle, on ferme les yeux et on l’embrasse totalement.


Note : 7,5/10

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