L’ART D’AIMER d’Emmanuel Mouret
Sortie le 23 novembre 2011 - 1h25min
De L’Art d’aimer, on connaît avant tout un livre vieux comme le Christ. Pour en savoir plus du savant travail d’Ovide, je vous invite à déguster ses pages, voire à faire un tour sur wikipédia pour les plus fainéants. Inutile donc de paraphraser les textes d’analyse. Néanmoins, à savourer les petites histoires d’Emmanuel Mouret, on pourrait picorer dans la structure même du recueil du poète latin. Le premier segment apprenait aux hommes à séduire, à engager la conversation et à attirer les belles femmes à eux. C’est en quelque sorte l’histoire d’Achille/François Cluzet, en émoi devant sa voisine (Frédérique Bel), névrosée évidente. La deuxième partie contribuait à façonner une relation sur le long terme. Un peu comme le beau couple formé par Gaspard Ulliel et Élodie Navarre, diagnostiquant la nécessité d’une sincérité totale au sein de leur aventure pour perdurer. Une dernière partie se voulait comme un conseil aux femmes, sur leur manière de continuer à séduire. C’est en somme tout le désir d’Amélie/ Judith Godrèche, amoureuse d’un sale con mais dévouée à lui faire plaisir.
C’est d’ailleurs avec Fais-moi Plaisir en 2009 qu’Emmanuel Mouret avait atteint les cimes de son cinéma. Cocasse, burlesque au possible et très fin dans sa mise en scène, le film charpentait le désir amoureux contrarié. Mouret y jouait un homme qui, par maladresse et malchance, n’arrivait jamais à coucher avec les femmes qui se présentaient à lui. L’adultère ne façonne pas le récit ; encore moins un quelconque puritanisme. Mouret estime simplement que le vaudeville peut très bien se faire sans coucherie. Seules les intentions comptent. C’est la même chose avec L’art d’aimer. Il n’y a pas de sexe extra-conjugal. Pourtant il n’est question que de ça. La tromperie,question épineuse du couple et de la morale intérieure, gangrène les personnages. La voix de Torreton arpente le récit avec espièglerie. La construction littéraire accentue l’impression de petits contes moraux, toujours drôles et raffinés. Ainsi, quand Godrèche apprend que son meilleur ami fantasme sur elle, sa seule échappatoire est de trouver tous les subterfuges possibles pour y échapper. Non pas par dégoût, mais par impossibilité de tromper. La question de la confiance à l’autre obnubile Mouret. Avec plus ou moins de réussite, il explore les différentes façons de s’en extrader.
Il ouvre son film sur Isabelle/Julie Depardieu abstinente depuis un an. Son amie Zoé /Pascale Arbillot lui propose de coucher avec son mari « pour rendre service ». Une occasion offerte sur un plateau qu’Isabelle décline. L’amour a tout de même sa place, mais il ne ne naît pas de l’entourloupe. A ce titre, le duo Navarre/ Ulliel constitue le segment le plus abouti de l’histoire. A savoir que les jeunes amoureux parlent beaucoup pour se rassurer. Ils ont beau avoir le droit d’aller voir ailleurs et de tout se dire, une fois qu’il faut passer à l’acte, c’est une autre paire de manches. Mis en parallèle avec le couple Emmanuelle (Ariane Ascaride)/ Paul (Philippe Magnan), il développe l’idée centrale du film : l’adultère perd son intérêt dès lors qu’il n’est plus interdit. Ce dernier segment démarre assez mal. Leur rupture arrive comme un cheveux sur la soupe sans que cela ne provoque la moindre vibration. Emmanuelle explique qu’elle ressent tout un tas de pulsions pour d’autres hommes et qu’elle ne pourra plus les contenir longtemps. Elle préfère s’en aller. Le coup de la marche nocturne de Paul est même emboutie par une ellipse peu heureuse. Puis vient son retour au foyer. Et là, c’est peut-être le plus beau geste d’amour de l’année qui se passe sous nos yeux. Il demande à sa femme de ne pas partir, qu’il l’autorise à aller voir ailleurs. « Mais je veux rester ici pour te serrer dans mes bras quand tu en auras besoin », ajoute t-il, le regard de chien battu.
Comme dans toute histoire d’amour, celle avec L’art d’aimer connaît ses hauts et ses bas. Des creux dans le rythme, un choix de développer une histoire pas plus passionnante qu’une autre et un humour moins ravageur qu’avant tendent à transformer notre sentiment envers ce film en tendresse plus qu’en sauvagerie charnelle. Surtout pour ses acteurs, délicieux dans leurs genres. Le type de petite éclaircie sucrée qui devrait rendre ivre les magasines féminins et les blogueuses modes. Mais pas que, heureusement ! Les lecteurs d’Ovide apprécieront aussi.