L’appât du gain qui se transforme en dépravation financière, des comptes qui ne fonctionnent plus que par entrées malsaines et sorties indécentes, et surtout des mauvaises fréquentations qui vous transforment un homme. Si elle ne s’était jamais voilée la face, il y eut vraiment une époque où elle ne pouvait plus le regarder en face tant sa posture de mâle dominant qui ne retire son cigare que pour rigoler aux blagues vulgaires de ses collègues la débecquetait. Mais alors qu’elle comptait le quitter, il avait soudain fait machine arrière : il avait quitté le cabinet pour monter une structure à taille humaine avec Jack Otis, le seul de ses amis qu’elle avait jamais jugé digne d’estime, et pendant une douzaine de mois ils avaient commencé à construire quelque-chose de nouveau. En un sens, elle ne pouvait cacher qu’elle était alors heureuse. Et puis un soir, sans aucun signe avant-coureur, il lui annonça qu’il avait recroisé Ali Green son ancien employeur et qu’il réintégrait la structure.
« C’était sans espoir, il n’apprendrait jamais rien, il ne tirerait jamais aucune leçon du passé » médisait-elle en le voyant rattacher sa gourmette à son poignet. Elle appela Jack Otis pensant trouver un allié de poids avec qui elle pourrait s’épancher sur cette trahison. Mais cet homme de confiance ne portait en lui nulle rancœur ! Bien au contraire il lui avoua qu’il avait même poussé son mari à accepter la proposition ! « Ne t’inquiète pas, lui dit-il ! Il est dorénavant assez malin pour se déplacer en eau trouble ! ».
Ayant décidé de ne pas poursuivre leur collaboration avec Madlib qui avait enfanté l’excellent « In search of Stoney Jackson », Strong Arm Steady revient dans la guerre des gangs avec la ferme intention de mettre à mal toute la West Coast. Dès « Had Enough », on sent que sous l’apparence de l’honnête travailleur se cache une fouine vicieuse prête à dérober l’or. Sur « Make Me Feel », on ne sait si se sont les instrus qui s’adaptent au flow ou l’inverse mais l’équipe fonctionne à merveille.
A défaut de pouvoir être protégés par l’aura de Madlib, les MC avancent portés par les bons conseils de DJ Khalil tandis que Chace Infinite (l’autre moitié de Self Scientific) apporte son expertise juridique le temps d’un « All the Brothers » incestueux où les principaux intéressés montrent qu’ils ne souhaitent pas manger tout seul à la cantine. Pas besoin de faire un bilan annuel d’évaluation pour réaliser que Mitchy Slick, Phil Da Agony et Krondon assurent le taffe ! Non, comme souvent en hip hop, le problème provient plus des mauvaises fréquentations : The Game et même Kurupt n’apportent rien d’autre que des titres pourris à la mode subprimes.
Pour le reste le ROI est au beau fixe (« On Point ») et s’envole lorsque Madlib revient aux mannettes (« Chiba Chiba Pt.2 »). Tout ça n’est qu’une question d’entourage. N’aurait-il pas alors été pertinent de basculer directement vers un Strong Arm Steady & DJ Khalil ? Car lorsqu’il est épaulé par des producteurs de qualité, le crew sait cracher un flow à la fois rugueux et sensuel.
Klack or Get Klacked ; la vie n’offre parfois pas tellement plus d’opportunités. Strong Arm Steady fait avec les cartes qu’il a en main : il ne prend pas la tangente et fonce dans le tas en espérant que les erreurs du passé le protégeront d’une nouvelle chute. Goddamn, ce sacré Jack Otis avait vu juste !