La discrétion n’est pas toujours un effet secondaire, elle peut être carrément un état d’esprit, voire un style. Nous ne parlons pas du genre volontairement fauché et lo-fi dont le misérabilisme sent la mise en scène, non, nous voulons parler de ces albums qui ne nous font pas signe, ne nous appellent pas, mais desquels il est impossible de se défaire. Cette attitude peut se marier à tous les styles, de la balade au piano en demi-ton de Gem Club à l’intensité rentrée de The Antlers en passant par l’electro-pop satinée de Memory Tapes.
Ces deux dernières références ne sont pas là par hasard. La voix en retrait et une guitare aigrelette font penser à Memory Tapes (Dreamteam), ce qui est une bonne indication, même si la dernière livraison de Dayve Hawk sous ce nom n’est pas uniformément emballante. Des Antlers, il possède une certaine évidence, cette propension à se rendre immédiatement familiers sous le brouillard.
Un seul musicien à toutes les manettes, voilà ce qu’est Youth Lagoon. A vingt ans, Trevor Powers montre en tous cas qu’il est un artiste à suivre. Et on le suivra. On monte, mais en douceur, empruntant un discret ascenseur plutôt que l’escalier d’apparat. Mais on arrive au sommet avec Montana et c’est le principal. Pour le reste, ces hymnes restent dans leur coin en regardant leurs pieds (plaisant Afternoon) mais n’en restent pas moins entrainants, presque malgré eux.
La voix est forcément passée sous l’éteignoir. On en vient à penser que c’est un artifice sans doute utilisé pour que les voix qui ne se suffisent pas à elles-mêmes puissent assurer le boulot. C’est sans doute une des raisons de leur multiplication à cette époque où l’expressivité (magnifique) d’un Jonathan Meiburg est l’exception.
Difficile de motiver une sympathie spontanée. La musique à haute teneur mélodique de Youth Lagoon ne viendra pas sonner à votre porte, ne criera pas pour attirer votre attention. Mais une fois celle-ci happée, vous garderez cet album avec vous.