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Anton Newcombe est un ami de trente ans. On n’a pas élevé les cochons ensemble, mais c’est un fait, c’est un ami de trente ans. Du genre absent, certes, mais quand même. Bon à vrai dire, ça ne fait que 20 ans que lui et moi, on ne se parle pas en fait. Enfin lui, régulièrement, il m’envoie ses albums, ceux de The Brian Jonestown Massacre. Depuis 1993 exactement, depuis Spacegirl & Other Favourites, j’ai le droit à ma livraison sonique. Mine de rien, ça tisse des liens car il ne m’a jamais fait faux bond. Une telle fidélité a le mérite de l’exemplarité. Il envoie, j’écoute, j’en discute un peu à mon entourage : “Au fait, Anton Newcombe m’a envoyé sa dernière galette !” “Alors, quel est le verdict ?” “Et bien, pas mal !” “Comme d’habitude, quoi ?” “Oui !”

Généralement, à ces instants précis, tout est dit : Anton Newcombe et The Brian Jonestown Massacre ont encore sorti un bon album… Et nous passons rapidement à autre chose. Nous mesurons alors à quel point qu’être dans la peau d’Anton Newcombe se révèle dramatique : pour lui et au final, pour nous. The Brian Jonestown Massacre fait partie de ces groupes essentiels à la carrière quasiment exemplaire mais dont nous oublions assez rapidement qu’ils viennent de sortir un bon disque. Nous chroniquons l’album, disons tout le bien que nous pensons de lui, nous nous attardons sur quelques points et notamment sur la production, encore une fois loupée. Nous autres, trop habitués aux produits léchés, parfois pointus mais toujours hyper calibrés, sommes en face d’un album de The Brian Jonestown Massacre complètement désemparés. Le matériau livré est souvent brut, mal taillé, rugueux, plein d’aspérités et à l’auditeur de se démerder avec ça pour trouver chaussure à son pied. Malgré une unicité de ton en creusant toujours le  même sillon néo-psychédélique, le groupe n’a jamais su paradoxalement imposer une identité sonore. Du désormais classique Methodrone au dernier album Aufheben, Anton Newcombe n’aura eu de cesse de brouiller les pistes. Tantôt néo-folk-rock psychédélique, tantôt shoegaze, tantôt garage rock, tantôt musique expérimentale, le groupe a enfilé trop de costards, trop suivi  les humeurs de son fantasque leader pour imposer une véritable marque de fabrique.

D’où cet amer constat, on aime ce groupe, on lui reconnaît bien volontiers des qualités mais au final, on le recale toujours au moment des bilans finaux.

Aufheben, le nouvel LP, échappera-t-il à ce Deus Ex Machina critique ? Ce treizième album portera-t-il l’indissoluble marque de l’oeuvre maudite ? Comme expliqué précédemment, Anton Newcombe aime brouiller les pistes. En 2010, il réglait ses comptes avec les Beatles en suivant la ligne harissonienne de la musique indienne. Who Killed Sgt Pepper ? : était-ce un écho lointain au très sex-pistolien Who Killed Bambi ? (premier titre du film The Great Rock’n’roll Swindle) ? Un constat d’abord, géographique qui plus est : depuis cet album, la bande à Newcombe n’enregistre plus sur la terre ancestrale californienne, mais en Europe. En Islande ou à Berlin, The Brian Jonestown Massacre, sous l’influence certaine de Will Caruthers (l’ex-bassiste de Spacemen 3 et Spiritualized), a ouvert son horizon musical. Sur Who Killed Sgt. Pepper ?, le résultat offrait une collusion frontale entre le krautrock et les paysages islandais. Frappant sur le titre introductif Tempo 116.7, Tungur Hnifur et le chant islandique d’Unnur Andrea Einarsdottir, l’édifice s’écroulait tout de même sur quelques morceaux comme The One, résurgence shoegaze des premiers albums et l’insupportable Someplace Else Unknown, morceau digne de figurer sur un disque de Kasabian. Cet album était le digne successeur des précédents : des traits de pur génie Dekta! Dekta! Dekta! avec son rap gipsy, White Music et ses chants grégoriens et des idées qui tombaient complètement à plat. Who Killed Sgt. Pepper ne dérogeait donc pas à la règle : bon album mais oubliable dans la seconde qui suivait son écoute.

Au bout de treize albums, nous pouvons légitimement nous dire que la messe est dite. Tant que Newcombe n’acceptera pas de laisser les manettes de la production à une personne plus qualifiée que lui, ses albums donneront toujours l’impression d’être des bâtiments ravalés pour cacher les défauts. A ce stade, The Brian Jonestown Massacre aurait été depuis longtemps les rois du monde, s’ils avaient daigné ne sortir que des… EP.

Deux ans plus tard, nous sommes en 2012… Newcombe est resté en Europe, à Berlin cette fois-ci. J’ai reçu Aufheben et à vrai dire, je n’ai pas eu envie de ranger ce disque comme les autres fois. Je désirais de la cohérence de la première jusqu’à la dernière note, une production qui tienne la route et l’édifice. Bref, je souhaitais de The Brian Jonestown Massacre un disque normal et non pas un énième disque obsétionnel de Newcombe.

Aufheben.

Ce titre. Hegelien. Le coeur même de la philosophie allemande. Tout un programme en soi. Si on suit la pensée hegelienne, Newcombe aurait donc voulu réunir les influences contradictoires qui l’habitent depuis toujours pour en faire un seul et unique album. Problème, il l’a toujours fait.  Deuxième problème, Newcombe a tellement usé de cette corde qu’avant même avoir écouté le disque, nous savons d’avance qu’il rendra hommage à certaines de ses idoles (il suffit de lire le titre des chansons), qu’il n’y a toujours pas de producteur digne de ce nom pour l’épauler… Le disque aura donc la même gueule que les autres fois : chaotique, brinquebalant et génial. A partir de ce constat, devons-nous poursuivre l’aventure plus loin ? Devons-nous tout de même écouté un album dont nous savons déjà tout sans avoir même à jeter une oreille dessus ?

Merde, c’est The Brian Jonestown Massacre. Pas un de ces groupes sans âmes qui pullulent actuellement. Et re-merde, je devrais être habitué aux bizarreries de Newcombe depuis le temps, à ce génie farfouille, à sa musique de plus en plus anachronique. Et re-re-merde, je l’ai écouté ce disque, après l’avoir tourné dans mes mains une dizaine de fois… hésitant, horriblement partagé.

Les premières secondes de Panic in Babylon me donnent le vertige. Non, non et non, il ne m’aura pas cette fois-ci avec ses titres introductifs qui font mouche à chaque fois… Raté , Panic in Babylon est un putain de morceau de rock qui vous charme… au son du Pungi. Me voilà bien attrapé durant les 4 min 39s du morceau. Me revoilà brièvement à Gaia, à regarder sur une des places de la ville cette danse des serpents. Panic in Babylon est un morceau brillant, un éclat de diamant qui éclaire et conduit chacun des morceaux de cet album. Une invitation à un voyage dans l’esprit tordu de Newcombe, cet ado qui a toujours refusé de grandir et continue à jouer la musique qui le fait bander.

Mais…

Aufheben ne déroge pas à la règle, il est affreusement mal produit, des morceaux bouche-trous viennent défigurer l’ensemble (l’horrible Face Down on The Moon)… accolés à de petites merveilles pop/rock bien ciselées. La magie Newcombe opère donc encore, bien épaulée aussi par le casting qui l’accompagne. Mais pour encore combien de temps ? On sent quand même que le groupe arrive à la fin d’un cycle. Il est peut-être temps à mon vieil ami de trente ans de raccrocher. De se refaire, de se régénérer, de ne plus cramer sa vie par les deux bouts. On ne lui en voudra pas de revenir dans cinq ans avec un nouvel album, celui qu’on attend tous, le chef-d’oeuvre maintes fois annoncé, jamais arrivé.

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