Piégée de Steven Soderbergh : l’espionnage-action à taille humaine
Sortie le 11 juillet. Durée : 1h33min
A l’heure des super héros et des héros bien trop supers, à un Âge où chaque film doit disposer d’un scénario où l’on sauve le monde, voire l’univers, la démarche de Piégée (Haywire en VO) a de quoi désarçonner. Non sans malice, Soderbergh façonne un scénario d’espionnage-action minimaliste. En clair, il n’est jamais question de complots entres États, mais plus de règlements de compte de puissants qui se comportent comme des petites frappes. Le but est simple pour l’héroïne Mallory : sauver sa peau. Beaucoup de critiques (et une partie du public) trouvent cette histoire minable, n’y voient qu’un petit exercice de style mal foutu. C’est surtout la preuve que Piégée est à contrecourant de la vague d’esbroufe actuelle, à laquelle les pourtant très bons Jason Bourne furent les plus illustres ambassadeurs. Soderbergh garde ses distances, dans son point de vue comme dans sa mise en scène.
Il livre un pur film d’action, frais comme un cocktail un peu trop sucré dans une soirée faussement classe. L’ambiance y est sympa, on devine que l’on ne boit pas du haut de gamme mais tout le monde fait comme si c’était le cas. Piégée ressemble à une de ces soirées : comprenez une excellente série B qui puise sa force dans son regard à la fois calme et troublé sur son héroïne. Incarnée par Gina Carano, véritable championne de kick-boxing, Mallory est une femme seule contre les hommes. Plutôt que de la surplomber comme l’aurait fait bien d’autres réalisateurs, Soderbergh la laisse s’exprimer. Les combats ne cherchent pas la dynamique par un montage hystérique. On pourrait presque décomposer tous les mouvements que fait Carano. La violence y transparait et on se demande si elle casse vraiment les gueules des acteurs. Le casting masculin impressionnant (Mc Gregor, Fassbender, Douglas, Tatum…) accepte de se faire éclipser par cette actrice tour à tour élégante, percutante et maligne.
Cela donne notamment un segment passionnant à Dublin où la chasseuse devient chassée et où le plan huilé (qu’affectionnait Soderbergh dans les Ocean’s) se transforme en casse-tête pour une bande de mâles finalement crétins. L’humour désinvolte du film se couple à un féminisme évident. Mallory a la supériorité intellectuelle et physique. On ne la lâche presque jamais, on voit comment elle prépare son combat à venir (bidouillage de téléphone, changement de tenue, position adéquate pour retirer ses menottes). Nous sommes aux portes du ludisme d’un bon jeu-vidéo avec une Tomb Raider cérébrale qui embarque son spectateur – métaphoriquement incarné par Bill Paxton en otage discipliné. En découle des séquences quasi muettes, très fluides, entre flashbacks et purs blocs d’action parfois gratuits. Rien ne justifie de se triturer le cerveau comme l’aiment tant les scénaristes modernes. Les intentions sont bêtes, les mecs minables et c’est bien cette médiocrité jouissive que Mallory affronte de facto après l’avoir vécu par procuration dans les livres d’action de son père.