Moi et toi, dans l’intimité de Niccolò Ammaniti
« Les choses, une fois qu’on les a pensées, quel besoin y a-t-il de les dire ? » Cette phrase que fait dire Niccolò Ammaniti au petit Lorenzo, l’adolescent héros de son roman, résume l’état d’esprit dans lequel il le place. Depuis toujours, le garçon de quatorze ans a du mal a communiquer. Ses parents l’emmèneront même chez un psychiatre. Il le bernera comme il le fait avec ses parents ou ses camarades de classe, en se réfugiant dans la fiction et en faisant semblant d’être sociable : « j’adorais faire semblant d’aimer les autres ».
Pris au piège de son rôle, Lorenzo s’isole de plus en plus des autres et finit par inventer un bobard plus grand que lui : il partira en vacances au ski avec ses amis. Au lieu de ça, il ira s’enfermer dans la cave de ses parents pendant une semaine entière. Seule compagnie prévue : un peu de musique, sa console de jeu et quelques boites de raviolis. Ce qui lui convient très bien : « et j’ai compris que si je finissais à l’isolement en prison, je serais comme un coq en pâte ». Là, il use de toutes les ruses téléphoniques pour faire croire à sa mère qu’il est à la montagne, invente des détails et des surtout des excuses pour ne jamais lui passer la mère de son amie, son hôte durant ces vacances imaginaires.
« Elle et moi, nous n’étions pas dans la même pièce »
Ce que Lorenzo n’avait en revanche pas prévu était l’irruption de sa lointaine demi-soeur Olivia, de presque dix ans son ainée. En pleine crise de manque, la junkie trouvera un refuge salvateur dans cette cave. Lorenzo va apprendre à prendre soin d’elle et à s’ouvrir enfin au monde qui l’entoure. La démarche est longue et douloureuse. Comme à son habitude, il préfère parfois ignorer son environnement direct : « moi, j’ai mis mon casque. Dedans, il y avait un CD de papa. C’est un morceau de piano qui n’en finissait plus, cette musique si calme et si répétitive me faisait me sentir distant, de l’autre côté d’une vitre, comme si je regardais un documentaire. Elle et moi, nous n’étions pas dans la même pièce ».
De la même manière que dans son superbe Comme Dieu le veut, Ammaniti garde l’humain et la famille au centre de la thématique de ce court roman. On est en revanche très loin des caractères d’affreux, sales et méchants, mais terriblement attachants des héros de son oeuvre précédente. C’est ici la naïveté qui prime, l’aspect en partie autobiographique de l’histoire, n’y est certainement pas étranger. C’est la sincérité qui l’emporte sur l’effet de style. Même son écriture s’en ressent : moins travaillée, plus directe, plus instinctive.
L’histoire est touchante et belle. Les grands timides se reconnaitront certainement dans le petit Lorenzo. Asocial et égocentrique vu de l’extérieur, mais d’une richesse humaine infinie dès qu’on commence à creuser en lui. « Ça me fichait en rogne que, après un film, papa et maman discutent toujours de la fin, comme si l’histoire se résumait à ça et que le reste compte pour zéro », dit Lorenzo en faisant le parallèle avec la vie de sa grand-mère qui finira malade et grabataire. C’est finalement Ammaniti lui même qui résume le mieux son dernier roman.
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