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Ce disque, j’aurais pu en parler dès juin en clamant haut et fort qu’il s’agirait de mon disque de l’été, qu’il serait cet album dont, tous les ans, nous espérons qu’il emplira l’habitacle de nos voitures en routes vers la mer, qu’il animera nos petits déjeuners au soleil et qu’il accompagnera nos siestes à l’ombre d’un arbre. Mais voilà, je ne voulais pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Brandir son disque de l’été dès juin, c’est un coup à se porter la poisse, et à constater dès la mi-juillet que les chansons devant lesquelles on s’était exclamé ne tiendront finalement pas la distance. C’est souvent le cas avec les disques de l’été : on s’emballe pour la fraicheur d’une jolie mélodie, on se laisse aller à la détente et on succombe aux promesses sans lendemain. Et puis, lorsqu’on quitte la plage, on s’aperçoit qu’il ne reste rien de cet amour fugace ; et on reprend notre quotidien comme si de rien était. Oui mieux vaut ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est comme cette histoire de mariage. Se marier au bout d’un an de relation en prétendant qu’on s’aimera toute sa vie, ça me parait un brin ambitieux. Je suis de ceux qui préfèrent commémorer tout ça plus tard, une fois qu’on est quasi-certain d’être sur la bonne route.

Enfin, l’été touche déjà à sa fin, et cette fois je peux l’affirmer : Oshin de Diiv aura été Mon disque de l’été ; et en fait peut-être bien plus que ça. Il y a quelque chose de traitre avec cet album que l’on ne sent pas tout de suite venir. Au premier abord, il s’agit d’un disque complètement inoffensif dont on se réjouit des mélodies, mais dont on reproche déjà le manque de substance et l’absence d’originalité dans le propos. Ces guitares claires, ces reverbs, ces basses très appuyées, et ces voix de l’éther, ce côté à la fois très pop et pourtant si nonchalant, on commence à les connaître par cœur, surtout avec les groupes en provenance de Brooklyn.  Et puis tout ça est recouvert d’une telle couche lo-fi qu’on se dit rapidement qu’entre White Fence, Ty Segall et Beach Fossils, on a déjà largement ce qu’il nous faut – d’ailleurs ces trois-là, ils en ont déjà accompagné bon nombre des soirées d’été ! Et puis il y a initialement comme un gout de second couteau dans l’histoire de Zachary Cole Smith. Après avoir été justement le guitariste live de Beach Fossils, le garçon a décidé de s’enfermer à la campagne et de composer ses propres chansons ; il y avait quelque-chose de frustrant à n’être qu’un exécutant et Zachary Cole Smith avait manifestement des choses à prouver. Malheureusement si son jeu de guitare est à l’avenant, ses capacités vocales ne semblent pas au rendez-vous. Au départ, lorsqu’il cache sa voix derrière les instruments, de manière à ce que les paroles en deviennent incompréhensibles et que l’ensemble se transforme en une masse cotonneuse opaque, on se dit qu’il ne s’agit pas d’un parti pris, mais d’un cache misère. Et puis, il y a cette impression permanente que tout ça glisse sans jamais raper, sans jamais secouer l’auditeur, qu’on est juste là pour passer un bon moment, sans qu’il y ait la moindre ambition derrière. Les influences sont aussi nombreuses que lisibles, et si l’on éprouve de la sympathie, on croit vite être face à un énième suiveur.

Pourtant rapidement, les lignes bougent. Tout d’abord cette position très en retrait de la voix va devenir un atout : non seulement, elle permet à la guitare de prendre le lead, mais surtout elle oblige les chansons à ne pas se reposer, en termes de construction, sur elle. Et du coup cela offre des titres complètement instrumentaux (Druun), ou seulement en partie (Follow), hypnotiques tout en restant très mélodiques et accessibles. En contournant la contrainte de la voix, Diiv propose des chansons au format très court qui pourraient pourtant prétendre à s’étendre sur de longues plages. Il y a presque quelque-chose de psychédélique sur des titres comme Sometime. Et c’est à ce moment-là que l’on comment à tirer la pelote de laine : ces chansons qui, à al base, semblaient répétitives et ancrées inlassablement dans les mêmes schémas, s’avèrent truffés de subtilités, de détails et de ruptures de ton.

Très vite il devient difficile de définir le son de Diiv. Ce n’est pas l’absence de mots qui gênent, mais plutôt le trop plein de ceux-ci. On parle de lo-fi avec cette production qui se laisse volontairement aller, de dream-pop à cause du traitement des voix, de cold wave avec le très Cure Doused, de shoegaze aussi ou bien encore de Krautrock avec Druun Pt 2. Zachary Cole Smith lui cite aussi bien Nirvana que Faust, tandis qu’on le sent perdu entre Sarah Records et Creation Records. Le paradoxe et la force d’Oshin, c’est que toutes ces idées, toutes ces allusions, toutes ces références ne débouchent jamais sur un album bancal, incohérent ou encore qui partirait dans tous les sens. Au contraire Oshin offre un point de vue très cohérent où les chansons se répondent entre elles et où les changements de style ne passent jamais pour un caprice. Cette manière dont Diiv réussit à digérer 40 ans d’indie rock et à en ressortir un produit aussi unique qu’il paraissait banal à la première écoute, impressionne forcément. Dans le clip réalisé pour accompagner la chanson How Long Have You Known ?, Smith passe au blender d’improbables petites pièces de différents objets afin d’en tirer une substance magique aux effets inconnus. La métaphore est un peu grosse, mais, à ce stade, elle décrit parfaitement Oshin.

Oui derrière cette image de musicien qui cherche à s’émanciper et à faire son propre truc dans son coin, presque discrètement, se cache un type qui ne manque pas de perspective et qui sait très bien comment faire coller la réalité avec son univers. Outre Zachary Cole Smith, Diiv se compose de deux de ses amis d’enfance (Andrew Bailey et Devin Ruben Perez) ainsi que de Colby Hewitt (batteur de Smith Westerns), mais clairement, je me demande toujours qu’elles ont été les contributions des trois autres à l’enregistrement d’Oshin. J’ai parfois l’impression que Zachary Cole Smith a composé et enregistré tout l’album strictement seul et qu’il n’associe le groupe à celui-ci que pour éviter d’être seul en pleine lumière. D’ailleurs dans le livret d’Oshin, on peut lire : All songs writen/produced by Zachary Cole Smith. Drums on tracks 1, 8, 11, 12 by Ben Wolf ; comme s’il s’agissait d’un album solo où le seul compère aurait été le producteur Daniel James Schlett.

Les chansons d’Oshin ont été écrites en quelques jours seulement, comme si Smith les avait en lui depuis tellement longtemps qu’un simple petit élan avait suffi à toutes les coucher sur bandes. Dans une même journée, il peut écrire la plus pop de ses compositions, puis dix minutes après se mettre à gratter la plus kosmiche d’entre elles.

L’écurie Captured Tracks s’étoffe et des interconnexions intéressantes se créent. Beach Fossils, Diiv, et bientôt Heavenly Beat, le groupe de John Pena le bassiste de Beach Fossils, semblent bien partis pour continuer de produire une pop qui met intelligemment face à face ses ambitions musicales et son envie de plaire.

>> References
DIIV’s Zachary Cole Smith on Loving Nirvana, ‘My So-Called Life’ par Thomas Charles sur Spin
DEEP DIIV par John Norris sur Interview Magazine

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