2012 vu par Francis Mizio
Introduction d’Eeleria : Francis Mizio est une de ces personnes que l’on ne rencontre pas par hasard. Ancien journaliste de Libération puis écrivain de polar, son humour noir très caustique m’accompagne depuis plus de 14 ans. Homme de convictions, il a toujours eu ce regard décalé sur son environnement et sur son métier d’écrivain qui fait qu’aujourd’hui, il reste un écrivain et un auteur singulier dans un paysage littéraire parfois terne. Je vous invite à déguster ses romans ubuesques “La santé par les plantes” ou encore “L’agence Tous-Tafs”. Le texte qui suit est dans la veine de ce qu’il écrit : un texte sans concession mais ouvert sur les autres.
En 2012, comme a dit Mallarmé : « La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres ». Non, ce n’est pas vrai. Je n’ai pas lu tous les livres, ni vu tous les films, ni écouté tous les disques, ni vu toutes les expos. Toutefois ma chair, en vieillissant, doit être devenue triste car toujours plus me sont tombés des mains, des yeux, des oreilles. J’ai erré dans des expos d’art contemporain aussi anecdotique que jamais. C’est un des inconvénients de l’âge : on s’ennuie à lire du déjà tant lu, à voir du déjà vu, à entendre du déjà écoutu… Enfin bref. Aussi pour 2012, je ne retiendrai que deux choses : la découverte des spectacles de magie mentale de Thierry Collet, coup de cœur que j’ai vu du coup 2 fois dans deux spectacles différents en 2012 au Lieu Unique à Nantes où je demeure (ainsi qu’une fois un court spectacle de son disciple) et quelques formidables concerts du Cabaret Contemporain.
Thierry Collet
La magie mentale doit être à la magie ce que le nouveau cirque est au cirque. Mais Thierry Collet est bien plus que magicien. Qu’il remette au goût du jour des astuces de magies éculées quoique toujours bluffantes, ou qu’il invente de nouvelles illusions ne lui suffisait pas : il en tire un discours et une démonstration politique et sociétale agrémentée de tours s’amusant à nous faire peur, à provoquer la sidération. Qu’il nous trafique un vote dans une urne transparente (manipulation par les couleurs) ou nous déroule les détails intimes en direct et sur scène d’un membre du public cinq minutes après l’avoir simplement pris en photo (1), Thierry Collet et ses complices sont tout simplement stupéfiants, d’une intelligence redoutable, aux marge du militantisme et d’un appel à la désobéissance civile. Je ne me lasserai pas de vanter ses prouesses et ne louperai désormais plus aucune de ses créations.
Cabaret contemporain
Nantes est une ville où la proposition artistique et culturelle, et surtout musicale (2) est aussi formidable que surabondante et peu chère. Nous avons aussi la chance qu’un partenariat existe entre le Lieu Unique et Le cabaret contemporain. J’ai assisté ainsi en juillet à un concert de Steve Reich et le Bang on a Can all stars, en décembre au John Cage Project (fabuleux-fabuleux-fabuleux !). Du coup j’irai voir le Terry Riley project au printemps. Tout cela était bien roboratif et en dehors des sentiers rebattus.
Sinon en 2012, oui, j’ai lu des livres, vu des films et des expos. Mais hormis quelques-uns, sortis auparavant, leur chair était triste.
(2) J’ai assisté entre autres en 2012 à un concert de Stephen O’Malley, à un concert d’Anouar Brahem, à une commande création de l’ONJ basée sur le travail de Piazzolla, à une création basée sur des œuvres de Moondog…
Sur Thierry Collet : https://www.thierrycollet.fr/
« Je ne fais pas de la magie pour endormir les gens, mais pour les réveiller. L’enjeu de mon travail, sans renier la jubilation que la magie fait naître, est d’en faire un outil de questionnement de notre libre arbitre. Etablir des parallèles entre les procédés du magicien et les techniques de manipulation mentale confronte le public à des aspects plus troublants de la prestidigitation. Le but est d’amener les spectateurs à naviguer entre le désir de s’abandonner à l’utopie, à l’illusion, et le plaisir d’en décoder certains rouages. C’est une quête de sens ». Thierry Collet
Une interview sur artefake.com
Au sujet de ses anciens spectacles :
– Même si c’est faux, c’est vrai
– Influences