PS’Playlist février 2013
Les PS'Playlist sont des playlist mensuelles où chaque membre de Playlist Society propose un morceau, récent ou ancien, qui l'a marqué ces dernières semaines. Chaque chanson de la tracklist est accompagnée de quelques mots.
>> C’est comme pour un mariage : du vieux, du neuf, du bleu, de l’emprunté. Une playlist éclectique comme notre entreprise de plomberie ; de Nick Cave à Gorecki, de Hubert-Félix Thiéphaine à Future. De 1989 à 2013.
1) Michael Nyman – “Fish Beach-drowning by numbers” (Thomas Messias)
Extrait de “The cook, the thief, his wife and her lover” / 1989 / Musique de film
J’ai pour habitude de crier mon dédain pour ceux qui écoutent des bandes originales à longueur de journée, puisque je les pense indissociables des films. Mais Elefante Blanco m’a fait replonger dans ce morceau hypnotisant de Michael Nyman, initialement composé pour Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, le chef d’œuvre d’un Peter Greenaway qui est en train de devenir l’un de mes cinéastes de chevet.
2) Nick Cave and The Bad Seeds – “Jubilee Street” (Dominique K)
Extrait de “Push The Sky Away” / 2012 / ballade rock alternatif
J’ai un jour écouté Nick Cave à la terrasse d’un café, mes écouteurs vissés à mes oreilles, l’expresso et son petit verre d’eau déjà à moitié vidé à portée de main. Je me souviens encore du morceau “Papa Won’t You Leave Henry” et la voix douloureuse de Nick Cave qui montait et montait, touchant des zones sensibles de mon esprit. 21 ans plus tard, Nick Cave chante ses histoires sombres d’une voix calme, presque tendre, mais avec la même puissance évocatrice. Jubilee Street et sa fin très Bad Seeds réveillent des souvenirs, des joyeux et des tristes.
3) My Bloody Valentine – “Only Shallow” (Anthony)
Extrait de “Loveless” / 1991 / Cyclone noisy
Dans “La Horde du Contrevent”, le Golgoth et sa troupe prennent de plein fouet des vents d’une violence mortelle. Il s’agit alors de s’agripper au sol, de se souder à ses compagnons, et d’espérer une clémence rapide des éléments avant de pouvoir se recoiffer… A la faveur de la sortie de l’Arlésienne de My Bloody Valentine, réécoutant l’intouchable “Loveless” et son introductif “Only Shallow”, j’ai alors repensé à la sensation du Golgoth face aux bourrasques et je me suis recoiffé 4 minutes 17 plus tard.
4) Apparat – “Arcadia” (Ulrich)
Extrait de “Walls” / 2007 / Electronica
Dépressifs, passez votre chemin. Pour quelques damnés, certaines musiques décident à votre place si vous allez être heureux ou malheureux. Chaque morceau sera vu selon le prisme du musicien. Nulle rédemption, nulle confession ne pourraient écarter du chemin son auteur. Un peu à la manière d’une araignée, il tissera autour de votre coeur un linceul doux et léger pour que vous soyez à la fois un peu triste, un peu nostalgique et un peu joyeux. Février 2013, Apparat revient et ça ne va pas arranger le taux de suicide chez les chats.
5) Depeche Mode – “I Am You” (Jean-Sébastien Zanchi))
Extrait de “Exciter” / 2001 / Electronique
Il y a des chansons comme ça. Des chansons qu’on n’entend que d’une oreille pendant plus de dix ans. Qu’on a même tendance à zapper lorsqu’on écoute l’album dans lequel elles se trouvent. La composition musicale n’est pas exceptionnelle, l’attention n’a jamais été retenue. Et puis un jour, leurs paroles raisonnent en vous d’une manière troublante. Jamais personne n’avait trouvé les bons mots pour décrire la situation. En un simple refrain, tout est résumé.
6) Fennesz – “FA – Mark Fell Remix” (Nathan Fournier)
Extrait de “FA 2012” / 2012 / House
Dans un court essai chez The Wire, le grand Mark Fell prend le temps de contredire une idée toute simple : l’artiste est limité par la technologie qu’il a à sa disposition. Pour Fell, c’est l’inverse. Ce sont les limites de la technologie qui poussent l’artiste à en redéfinir son usage, à chercher plus loin. En un mot, les frontières sont faites pour être dépassées. Et, ce qui est bien dans cette histoire, c’est que Mark Fell ne fait pas qu’argumenter sur The Wire. C’est son credo, c’est l’essence de sa musique : aller toujours plus loin. Ce remix de Fennesz en est une preuve de plus. Puis, si vous tendez l’oreille, vous entendrez Martin Luther King. (L’article en question à lire)
7) Future & Lil’Wayne – “Karate Chop (Remix)” (Dom Tr)
Extrait de “Karate Chop (remix)” / 2013 / Rap
Premier single tiré du très attendu “Future Hendrix”, ‘Karate Chop (Remix)’ est une singulière mise en bouche. L’habituelle science du refrain de Future est doublée d’un flow haché inventif et percutant. Mis sur orbite par la brillante rampe de lancement signée Metro Boomin,’Karate Chop (Remix)’ voit Lil’Wayne s’infiltrer en remplacement de Casino du morceau original et rappelle à tous à quel point Weezy ne joue plus dans la même division que Future. Mais qui pourrait y prétendre actuellement ?
8) The Mars Volta – “Televators” (Alexis Fogel)
Extrait de “Deloused in the Comatorium” / 2004 / Rock progressif
Il y a beaucoup de disques qui se résument pour moi à leurs premiers titres. Je lance le disque, me concentre dessus pendant un moment, puis le laisse se changer en fond sonore. Parfois celui-ci s’achève sans même que je m’en aperçoive… Et puis parfois, il y a une chanson vers la fin de l’album qui s’immisce pour casser le rythme de l’écoute, pour dire « reste concentré, il y a encore des surprises pour toi ». Televators est une de ces chansons, elle vient donner un dernier souffle à l’album avant que celui ne s’achève définitivement.
9) Alden Volney – “Seaside Strolls” (Catnatt)
Extrait de “Networks and Parasites” / 2013 / Pop electro
Cocorico, un Frenchy ! J’ai eu un véritable coup de foudre pour cet album : les voix doucereuses et la pop venimeuse. Tout a l’air si tranquille et pourtant, la chute semble si proche. Alors, c’est vrai que c’est truffé de références au point que certains n’en feront qu’une bouchée et la recracheront d’un air dégoûté en hurlant à la pâle copie. Pourtant, je m’inscris en faux. Il y a très clairement de la créativité, un sens aigu de la mise en scène et un profond respect. En clair…. J’adore !
(Ps : Merci à Julien pour le morceau de The Clientele, belle découverte)
10) Moby – “When it’s cold I’d like to die” (Axel Cadieux)
Extrait de “Everything is wrong” / 1995 / Electro
Les Sopranos, meilleure série de tous les temps haut la main, s’accompagne nécessairement d’une bande originale hors du commun. Le deuxième épisode de la saison 6, moment clé du show, est sublimé par When it’s cold i’d like to die de Moby. C’est mon morceau du mois.
11) Hubert-Félix Thiéfaine – “Pulque, Mezcal y Tequila” (Matthieu Hybert)
Extrait de “Eros Über Alles” / 1988 / Rock
A mesure que l’hiver étire sa paresse, des rêves de contrées exotiques s’immiscent et s’imposent. Frère de poète, Thiéfaine convoque Baudelaire et nous invite au voyage, où tout n’est que volupté et…volupté ! Là sous les effluves de paradis artificiels venus d’outre-Atlantique, la musique se fait « bandante ». Pourtant les démons thiéfaino-hugoliens veillent et cette « mélancolie qui n’est que le bonheur d’être triste », noyée tel un asticot au fond d’une bouteille de Mezcal mexicain bon marché, surnage dans son bocal. Car Hubert-Félix le sait : « no se puede vivir sin amor » ! Salud !
12) Peaches – “Search and Destroy” (Olivier Ravard)
Extrait de “War Child-Heroes Vol 1” / 2009 / Electro Punk ou assimilé
Le thermonucléaire “Search & Destroy” des Stooges est un épatant morceau en remontrant encore à tous les hymnes punks qui tenteront de copier la formule. Problème : il est à la limite de l’humainement audible dans sa production originelle, que l’on qualifiera poliment d'”audacieuse”, même pour des oreilles averties. La version Peaches de la chose gagne en tension ce qu’elle perd en abrasion, et permet aux tympans les plus chastes de (re)découvrir le missile. Une sorte de violent uppercut au foie administré par une main soigneusement manucurée.
13) Frustration – “Around” (Benjamin Fogel)
Extrait de “Uncivilized” / 2013 / Post-Punk
Frustration hésite toujours entre une musique brute de décoffrage et des morceaux plus construits. Il s’oppose au sein du groupe la nécessité d’un premier degré sans compromis où l’on pose ses tripes sur la table et la conscience certaine de l’obligation d’offrir plus au niveau réflexif ; à la fois punk et post-punk aurait-on envie de dire (ou alors perdu entre l’un et l’autre). Sur “Uncivilized”, Frustration pousse les murs sans jamais quitter des yeux son credo. Il lorgne vers l’indus et le dance-punk mais ne cherche pas à s’inscrire dans une quelconque tradition. A ce jeu, il préfère les accointances d’aujourd’hui, comme celles avec Agent Side Grinder.
14) Piney Gir – “I’m letting in the sunshine” (Arbobo)
Extrait de “I’m Letting In The Sunshine” / 2012 / Sugar Pop
l y a quelque chose ici du charme originel des Moldy Peaches, bien que Piney Gir ait à la fois plus de disques à son actif, mais guère plus d’une bonne chanson. Ce petit bonbon sucré, parfumé à la candeur, qui papillonne d’une oreille à l’autre, retrouve avec bonheur la recette des one hit wonder des fifties. A l’opposé de la sombre série “Hit and miss”, où elle contribue à l’excellente bande originale, la légèreté de cette reprise rappelle “mister sandman” ou l’adorable thème de Lolita. Charmant, tout simplement charmant!
15) Serafina Steer – “The Night Before Mutiny” (Marc)
Extrait de “The Moths are real” / 2013 / Folk virtuose
On n’aura jamais assez de douceur, on ne se lassera jamais du talent. C’est fort de ces deux sentences que je vous conseille la harpiste Serafina Steer qui sur son second album produit par Jarvis Cocker arrive à mêler l’exigence et la facilité. Une bonne amie pour longtemps.
16) The Clientele – “Losing Haringeygey” (Julien Lafond-Laumond)
Extrait de “Strange Geometry” / 2005 / Folk virtuose
Ce n’est pas tout de suite que je peux savoir si j’aime ou non un groupe. Quand j’en découvre un, je peux l’apprécier, je peux prendre mon pied, mais fatalement quelques semaines après il va disparaître. Oublié, entassé au fond de ma mémoire, écrasé par d’autres dizaines de découvertes qui occupent la scène. Ce n’est que des mois plus tard voire des années que la sentence tombe : est-ce que par quelque agilité, par quelque différence impalpable, ce groupe m’a-t-il laissé des traces ? The Clientele n’a fait que ça, s’oublier à moi et me revenir – avec à chaque fois plus d’amour et d’intensité. C’est comme ça que je fais le tri, avec le temps.
17) Henryk Górecki – “Symphonie n° 3 : Symphonie des chants plaintifs” (Alexandre Mathis)
Extrait de “Symphony n°3” / 1976 / Musique Classique
Il y a ce mystère inexplicable. Dans toutes les pièces de musiques symphoniques, le second mouvement est celui qui me choppe le plus. De La Jeune fille & la mort de Schubert au Requiem de Brahms, le même constat s’impose. En ce moment, c’est le Lento & Largo de la Symphonie n°3 de Gorecki qui empoisonne délicieusement un hiver rude mais divin.
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