JEUNE & JOLIE : passage de témoin

Il y a un pont symbolique évident que François Ozon dessine à la fin de Jeune & Jolie. Alors que son héroïne Isabelle, interprétée par Marine Vacth, fait rédemption de son passé de prostituée, elle rencontre la femme d’un de ses anciens clients. Il s’agit de Charlotte Rampling. Entre cette dernière et la douce Marine Vacth se lie un possible destin commun, un passage de témoin.

Retour en arrière. En 1974, sortait Portier de Nuit de Luciano Cavani. Charlotte Rampling rayonnait dans un film lourd d’emphase. Elle y incarnait une déportée juive prise dans un jeu sado-masochiste avec un officier nazi. Des années plus tard, dans la fraicheur ouatée d’une Autriche bourgeoise, elle retrouvait son ancien amant-bourreau. Son statut d’objet sexuel la rattrapait. Le film valait le coup d’œil pour cette jeune actrice au visage si singulier, malicieux bien qu’inquiétant.

Charlotte Rampling dans Portier de Nuit (1974)

Marine Vacth est de même, entre mutisme et maniérisme, au sein d’un film qui n’est pas exempt de lourdeurs. Ozon multiplie trop les pistes, les sujets et les points de vue possibles. Pour un film traitant de la prostitution d’une mineure, il ne tire qu’un résultat mollasson. Il étouffe notamment le rapport frère/sœur, pourtant particulièrement dérangeant dans un prologue voyeur. Isabelle est allongée sur la plage, seins nus pendant que son cadet la reluque avec ses jumelles. La fascination pour la sœur, la tentation de la pulsion interdite, tout cela reste en suspens pendant tout le film, où le jeune homme regarde sa sœur avec admiration et amour. S’il se permet de porter l’ombre de sa main envieuse sur la poitrine ferme de son ainée, c’est parce que la plage est le lieu de tous les possibles.

C’est sur ce même sable qu’Isabelle perdra sa virginité quelques scènes plus tard. Elle y voit le fantôme de son innocence. Une scène qui rappelle un autre film d’Ozon avec… Charlotte Rampling. Dans Sous le sable, elle perdait son mari (Bruno Cremer) lors d’une baignade à priori anodine. Tout le film, le spectre du mari disparu hantait la veuve en déstabilisant son quotidien. La maison de vacances semble être la même entre Jeune & Jolie et Sous le sable. C’est au sein de cette maison que le trouble de ces femmes nait.

Dès lors, il est naturel pour Rampling d’aller rencontrer une de ses héritières du cinéma ; elle qui fut un symbole de femme aux équilibres précaires, jamais aussi bonne que quand il fallait jouer des personnages complexes, déraisonnés mais pas hystériques. Vatch devra veiller à ne pas surjouer de son élégance apprêtée si elle veut s’émanciper de sa beauté trop pure. Dans la scène finale, Rampling demande à Vacth de s’allonger à côté d’elle. Rampling disparaît, Vacth se réveille, apaisée. La duchesse du cinéma français a agit comme une bonne fée de La Belle au bois dormant. En un sortilège, elle protège la fébrile actrice de son aura bienveillante.