Premier disque du label français Unknown Precept sorti en juin dernier, “The Black Ideal” porte en lui une conviction forte : se construire sur l’alliance de deux univers qui ont plutôt eu pour coutume de s’observer de loin sans réellement se mélanger, méfiants. En dressant un pont entre une musique électronique expérimentale en recherche de nouvelles textures et une approche dancefloor qui fait sans cesse revivre les esprits d’une ambition techno/indus, “The Black Ideal” synthétise la musique des années 2010.
Sans frontière, résolument anti-iconoclaste, elle va puiser dans des synergies nouvelles pour révéler une lumière noire qui transforme ce qu’elle touche. En six minutes, le trio Saaad / Mondkopf incarne parfaitement cette recherche d’un nouveau genre. ‘Last Love’ s’accapare l’énergie vitale du duo toulousain et du producteur parisien pour en faire un hymne “dronefloor” évident : les nappes liturgiques se mariant au beat effréné pour profaner les chapelles que la compilation entend faire disparaître.
Une ambition de renouveler un peu plus une musique électronique européenne en pleine mutation ces dernières années confirmé par le casting léché : Violetshaped, Ancient Methods ou Polar Inertia ont construit leur image et leur musique sur cette déviance musicale assumée. Ils en ont fait une force, chacun à leur façon, en allant puiser dans cette richesse des sons, des textures et des arrière-plans sombres. Mieux, de manière inconsciente ils se sont faits les porte-paroles d’une autre forme de musique qui conjugue avec talent le spirituel et le terrestre, l’esprit et le corps comme deux vecteurs d’un message clair : l’ambition de faire disparaître les frontières d’une techno moderne construite sur des traditions bien établies. Et surtout, ils cherchent tous inconsciemment à repousser une décennie de minimalisme de tout crin qui aura poussé la techno et la house dans certains de leurs pires recoins depuis leur apparition au début des années 80. Inversant le prisme, ils y vont tous aussi par la surenchère de textures et de couches de sons, piochant dans la noise, l’indus et les drones pour ne plus jamais se perdre dans le quasi vide.
Ainsi, ‘Black Wisdom, White Witch’ continue les explorations avant-gardistes du duo allemand Violet Poison et Shapednoise qui n’en finit plus de creuser pour aboutir à la pure synthèse électronique d’un noir profond ; fusionnant avec classe les rythmiques ininterrompues, l’agression sonore indus et la vague d’effets tous plus effrayants les uns que les autres.
Unknown Precept s’est empressé d’attraper la quintessence de ce nouvel idéalisme musical avant qu’il ne devienne trop usé pour le presser sur disque et prendre à témoin les auditeurs avertis : en 2013, il devient obligatoire de s’affranchir des codes pour atteindre la synthèse ultime ; à mi-chemin entre l’ambition intellectuelle d’une musique renouvelée et le besoin de brutaliser son environnement direct, sans aucune forme de retenue.