Au dos de la pochette d’Ummagumma de Pink Floyd, le groupe anglais étalait fièrement le matériel qui avait servi à établir en 1969 ce parfois rude mais indiscutable étalon de la musique psychédélique. 44 ans plus tard, Phil Elverum pose près de son écran d’ordinateur, avec un mug fumant et un cupcake. Il est peu probable que cet album-ci ait le même retentissement qu’Ummagummamais il faut aussi reconnaître que les deux albums sortis l’an passé avaient impressionné. Donc, maintenant, les créateurs peuvent officier chez eux, bien au chaud. Le contraste entre cette photo d’une profonde banalité et une musique si évocatrice interpelle en tous cas.
Il faut aussi resituer le contexte, sans quoi on ne pourrait y voir qu’une tentative de souffler sur les braises du succès d’estime d’Ocean Roar et Clear Moon. Ce Pre-Human Ideas se compose en effet de morceaux antérieurs à Clear Moon et réenregistrées ou de versions instrumentales destinées à mettre au courant les musiciens qui l’accompagnent en tournée. Le tout avec des paroles recréées et passées à l’autotune. Evidemment, cet album s’adresse presque exclusivement à ceux qui avaient digéré et apprécié la paire d’albums de l’an passé. Quel serait l’effet sur un auditeur qui n’aurait jamais entendu parler ? Difficile de le dire, si c’est votre cas, votre avis m’intéresse.
La voix passée à l’autotune n’est pas exactement ce que je préfère, notamment parce que ça donne un côté bien artificiel à une musique qui réussissait pourtant à se rendre bien organique. Et puis ce procédé a tellement été usé comme cache-misère (en R’n Bnotamment) qu’on ne peut que le trouver hors de propos ici. Pourtant, l’effet peut ressembler à du Bon Iver cybernétique quand plusieurs voix s’entrecroisent sur I Say ‘No’. Ça ajoute de la cohérence à l’ensemble, mais se révèle vraiment usant à la longue.
Il ne faut pas croire qu’un morceau n’est bon que s’il peut être interprété de façon minimaliste. Cependant, ces versions différentes révèlent des morceaux assez construits, et derrière l’impressionnant mur du son, il y a de vrais morceaux, des progressions d’accords tout à fait convaincantes. Le côté sombre de The Hidden Stone est certes considérablement amoindri ici, de même que son pouvoir de fascination. Mais il faut reconnaître que tout tient encore remarquablement la route. Lone Bell en reste poignant même sans l’épaisse couche de son. Le chant vocodé n’étant pas, on le devine, tout à fait utile. On reconnait les accords d’Organ, on se souvient de ces terribles secousses telluriques
Les albums de l’an passé étaient des ovnis bienvenus, au confluent de tellement de choses (de la délicatesse de l’écriture à la véritable sculpture sur son) et celui-ci est plus étrange encore, mais il faut être vraiment curieux pour aborder ces versions alternatives qui n’apportent pas grand-chose à part la confirmation que Phil Elverum est un personnage curieux et inventif qu’on a vraiment envie de continuer à suivre.