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2013 vu par Claro

Par Claro, le 07-01-2014
Littérature et BD
Cet article fait partie de la série '2013 vu par...' composée de 6 articles. Dans l'optique de faire un point d'étape avant de passer à la suite, Playlist Society invite, tout au long de sa série '2013 vu par...', des personnalités (écrivains, musiciens, réalisateurs...) à évoquer leur année 2013. Voir le sommaire de la série.

Introduction de Catnatt : Ah quel enfant terrible, Claro ! Caustique et presque assassin dans son blog (le Clavier Cannibale auquel je suis abonnée), doué et exigeant dans ses traductions, éditeur inspiré au Cherche-Midi (Lot 49), écouteur des chansons n°7 de disques et surtout, surtout écrivain ; écrivain barré en quête de mythes à réinventer, surtout, surtout pas romancier, Claro me fait presque peur. Pourtant, j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai sollicité. Plus accessible que je ne le pensais, il m’a surprise. Touchant entre les lignes – vivre ou écrire, ici ou ailleurs, saignant ou à point ? – je ne tenterai pas de décrypter ce qui m’a émue, je préfère présenter un ticket de caisse où apparaissent Olivier Rohe et Claude Simon… Ce sera probablement le meilleur compliment à faire à celui qui affirme, variation de Beckett, que “La littérature a à voir avec la défaite. On n’écrit jamais le livre qu’on veut écrire”.

Barre

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L’année 2013 n’a tellement pas ressemblé à l’année 2012 que j’ai cru un instant que le calendrier avait eu des velléités d’indépendance déraisonnables. Mais non. Il se trouvait juste qu’à force de se prélasser dans l’éternel retour, le Temps avait eu envie de faire sécession et d’aller voir ailleurs si nous avions une chance d’y être aussi.

Tout est de la faute de mon ami Oliver Rohe. Lequel m’a fait comprendre que si je ne m’abîmais pas immédiatement dans la lecture de l’œuvre de Claude Simon, je pouvais faire une croix sur nos déjeuners mensuels autour d’un burger (saignant pour moi, à point pour lui ; avec bacon pour moi, sans pour lui). Je cède rarement devant les menaces, surtout quand elles sont aussi basses que celle proférée par l’auteur d’Un peuple en petit (1) que vous feriez mieux de lire au lieu de traîner sur le Net, mais là, pas moyen d’y couper, j’ai donc acheté tout Claude Simon et me suis attelé à la tâche.

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On est en février et je suis en Bretagne, dans une belle baraque avec vue sur la mer, voire quasi dans la mer tellement les vagues semblent vouloir se prélasser sur la terrasse en tek où je me cramponne à mon exemplaire des Géorgiques (2). Quatre jours, cinquante huîtres et soixante-douze bulots plus tard, j’ai fini de lire le roman de Claude Simon. Je ne suis plus le même : je suis devenu un lecteur de Simon. Ça veut dire que je suis désormais simono-dépendant. Je m’engage illico sur La Route des Flandres (3). Re-claque.

Il en va ainsi jusqu’à la fin de l’été – lecture de toute l’œuvre de Claude Simon, obsessionnelle, jouissive, vertigineuse, seulement interrompue par de micro lectures, nécessaires ou contingentes, fragiles ou tenaces.

Mais je suis piètre en récapitulades. J’ai néanmoins fait la connaissance de Georges-Arthur Goldschmidt (4), vu Par les villages à La Colline (5), écouté des chants polyphoniques corses à Bastia, réussi un cheese-cake au spéculoos, travaillé à mon anti-roman, légèrement progressé dans le maniement de la tronçonneuse électrique, consulté un podologue, convaincu Eric Chevillard (6) de participer à une rencontre littéraire (il ne m’en a même pas voulu), donné quelques conférences dont l’une comportant dans le public une dame qui lisait le dernier Nothomb pendant que je causais, refusé la traduction du dernier Pynchon, vu enfin Gorge profonde (7) (qu’est-ce qu’il ne faut pas avaler comme couleuvres…) et pris aussi le temps de ne rien faire, ce qui ne fut pas un mince exploit.

L’idéal bien sûr aurait consisté à tout consigner, tout noter, à détailler chaque minute vécue dans le temps record d’une minute en temps réel. Mais j’aurais alors rendu copie blanche, car on ne peut à la fois vivre et écrire. Non pas qu’écrire ne soit pas vivre, mais allez commenter ce qui se passe quand vous écrivez… Bref, si je devais faire le bilan de cette année, je dirais que, ma foi, elle se présente assez bien et que je vais prendre le risque de la vivre encore l’an prochain.

Claro publie en janvier 2014 “Les Souffrances du jeune ver de terre” chez Babel Noir