1) Lost In The Trees – “Excos” (Catnatt)
Extrait de “Past Life” – 2014 – Pop aérienne
J’aime quand le nom d’un groupe annonce la couleur : Lost In The Trees se suffit à lui-même, tu sais que tu vas t’envoler, que ce sera calme et serein, que tu vas prendre de la distance et de la hauteur, tu sais que tu vas rêvasser, te perdre dans un ciel éperdu de bleu, sentir le vent, être un peu plus libre que d’habitude si c’est possible. Découvert avec “A church that fits our needs”, je suis tombée en amour. C’est rare de ma part d’être “fan”. On sent chez Ari Picker l’influence des cours au département musique de film du Berklee College of Music. Les inrocks ont raison, chez Lost In The Trees il est toujours question de musiques de films impossibles tant elles sont aériennes. Elles échappent à tout scénario.
2) Sunday Bell Ringers– “Wildcats” (Marc Mineur)
Extrait de “SBR” – 2014 – Indie motivé
Nous ne sommes pas des redresseurs de torts, mais on aime quand même donner coup de lumière sur des formations dont la notoriété n’est pas en accord avec le talent. Le premier album des Sunday Bell Ringers était une belle promesse, incarnée dans plein de morceaux bien éclectiques. Ils ont décidé d’approfondir leur veine electro plus rentre-dedans, mais gardent tout de même cette foi et cet engagement qui nous avaient tant plu.
3) Soundgarden – “Fell on Black Days” (Marc di Rosa)
Extrait de “Superunknwon” – 1994 – grunge
Le mois de mars 2014 célèbrera le vingtième anniversaire de la sortie de Superunknown, l’album du groupe Soundgarden considéré comme l’une des pièces maîtresses du grunge. A l’ombre du succès du hit Black Hole Sun, le single Fell on Black Days rayonne pourtant de manière bien plus intense. Un morceau lent, doux-amer, porté par la voix magistrale de Chris Cornell dans un climat sombre et mélancolique. Les paroles reflètent cette esthétique de la fatalité : « Tout ce que j’ai craint / Est advenu / Tout ce que j’ai repoussé / Est devenu ma vie ».
4) Jay-Z – “Hard Knock Life” (Nathan)
Extrait de “Vol 2… Hard Knock Life” – 1999 – Rap de mon enfance
Ce choeur d’enfant qui chante que la vie est dure, qu’on les trompe, c’est ma porte d’entrée dans le rap. C’était l’époque où il fallait acheter le single ou attendre patiemment que la chanson passe à la radio pour l’entendre. Alors, j’attendais, et je savourais chaque seconde de ces quatre minutes, sans comprendre un seul mot de ce que Jay-Z raconte, mais en vibrant de tout mon corps, en rythme avec le beat. J’avais 10 ans. Et ça fait bientôt 15 ans que j’ai dix ans quand j’entends cette chanson.
5) Lee Bannon – NW/WB (Benjamin Fogel)
Extrait de “Alternate/Endings” – 2014 – Drum & bass
S’il y avait bien une chose à laquelle je ne m’attendais pas en 2014, c’était de me passionner pour un disque de drum & bass / jungle, et encore moins pour un disque de drum & bass / jungle réalisé par Lee Bannon, producteur hip hop affilié à Joey Badass. Pourtant, sans chercher l’originalité à tout prix, Alternate/Endings m’apparait comme un disque riche, truffé de chouettes idées mélodiques, où les rythmiques syncopées servent tout autant à faire ressortir les passages beatless. L’ami Dat’ en parle plus longuement sur Chroniques Automatiques.
6) Of Montreal – “Heimdalsgate Like a Promethean Curse” (Isabelle)
Extrait de “Hissing Fauna, Are You The Destroyer” – 2007– Pop psyché
L’album entier est un régal de pop barrée, mais c’est avec ce titre-là que je suis tombée sous l’emprise de Kevin Barnes, leader d’Of Montreal, hétéro-queer flamboyant à faire (presque) passer Ziggy Stardust pour un comptable de province. Forcément, un bipolaire désespéré s’adressant à ses médicaments pour qu’ils fassent de l’effet, ça me parle. Comme cette mélodie changeant aussi vite que l’humeur de Barnes, passant du foufou dansant à l’angoissant, cycle infernal musical collant à des paroles en forme de mantra.
7) Drexciya – “Black Sea” (Julien Lafond-Laumond)
Extrait de “The Journey Home” – 1995 – Techno
Il est vrai qu’en musique électronique, les modes sont cycliques. Mais les goûts, eux, sont plutôt élastiques. On ne fait pas des boucles bêtement avec notre tête qui tourne dans tous les sens. On prend appuie, on tente de s’éloigner, jusqu’au point où ça finit par craquer et où on revient fissa au point de départ. Un point de départ, par exemple, ça peut être Drexciya, dont les morceaux visionnaires, vingt ans après, paraissent toujours être l’alpha et l’oméga d’un certain esprit techno – chose qu’on oublie et dont on finit donc toujours par se rappeler.
8) I Santo California – “Tornerò” (Alexandre Mathis)
Extrait de “Se Davvero Mi Vuoi Bene…Tornerò” – 1978– Pop italienne
Comment mesurer le bon goût d’un film ? En constatant qu’il utilise de la pop italienne, par définition ringarde, et que ça rend bien. La preuve avec Tonnerre, premier long-métrage de Guilaume Brac, qui utilise le très beau Tornerò de I Santo California, tube des seventies. Dans le film, un slow, Bernard Ménez en danse nuptiale, Vincent Macaigne et Solène Rigot à l’acmé de leur amour. Un torrent de romantisme un brin kitch que j’écoute en boucle. Vive la pop italienne.
9) Tom Hiel – “Guy Gets Promoted / End Title” (Anthony)
Extrait de la BO du film “Swimming with sharks” – 1994 – Ritournelle douce-amère
Esprit d’escalier : lire un article sur Netflix -> Penser à la saison 2 d’House Of Cards -> Se rappeler que Franck Underwood est une ordure first class, un méchant dont on aime regarder le cheminement sinueux -> Constater qu’à l’évidence, Kevin Spacey joue tellement bien les méchants cyniques -> Méditer sur le fait que Kevin Spacey est un immense acteur tout court > Se souvenir de la première fois qu’on a vu Kevin Spacey -> Se dire que ce n’était pas dans Usual Suspects mais dans Swimming With Sharks où il jouait déjà le rôle d’un pur salopard -> S’illuminer en repensant à la musique glaçante et belle qui accompagnait la fin impitoyable de ce film -> Se dire qu’il faudrait revoir ce film -> En conclure qu’il serait certainement disponible sur Netflix.
10) Courtney Barnett – “Avant Gardener” (Thierry Chatain)
Extrait de “The Double EP: A Sea Of Split Peas” – 2013 – Rock slacker
Comment expliquer un coup de foudre ? Parler avant tout de la voix de la jeune Australienne, détachée, un peu traînante ? Du côté obsédant de cette chanson sans vraiment de couplets ni de refrain, à peine dotée d’une mélodie (mais avec un sacré pont) ? Du sens aigu du détail et de l’humour qui ponctue cette petite histoire de jardinage se terminant en crise de panique, via une réaction allergique ? De ces guitares branleuses qui menacent de dérailler, en rappelant de bons souvenirs des années 90 ? Il y a de tout ça. Mais surtout un charme fou.
11) Ty Segall Band – “Wave Goodbye” (Olivier Ravard)
Extrait de “Slaughterhouse” – 2006 – Gros riff à la brutale ironie
Tout morceau se terminant par un “Fuck Yeah !” lancé en fin de prise mérite une écoute attentive. Comme par exemple ce «Wave Goodbye » envoyant au choix du steak, du bois, du lourd, du velu ou envoyant tout ce que l’on veut qu’il envoie tant le riff est énorme. La simplicité du propos séduit : “Prends donc cette enclume dans le foie. Au revoir”. Keur avec les doigts formant des cornes satanistes (et c’est pas facile).
12) Circuit des yeux – “My Name Is Rune” (Laura)
Extrait de “Overdue” – 2013 – Voix hypnotique
Cet album, tombé dans mes oreilles un peu par hasard, reste pour moi un mystère. Une voix fascinante, entre Nico et Tim Buckley, dont je ne sais même pas s’il s’agit de celle d’un homme ou d’une femme. Une instrumentation tellement variée d’une chanson à l’autre qu’il m’est impossible de définir le style de musique. Une tristesse d’où perce malgré tout une certaine lumière, qui fait que, écoutant My Name Is Rune, je ne sais même pas quelles émotions me traversent, si ce n’est l’envie de réécouter la chanson en boucle pendant des heures.
13) Manic Street Preachers – “The Everlasting” (Thomas Messias)
Extrait de “This is my truth tell me yours” – 1998 – Britpop
En voilà un bel album d’hymnes, politiques et engagés, d’une radicalité parfois primaire (« if I can shoot rabbits than I can shoot fascists »), qui flirte avec la décrépitude sociale de notre époque (Ready for drowning) et embrasse les gender studies avec grâce (Born a girl). Un album qui donne envie d’en découdre et s’ouvre sur six minutes zéro neuf d’une liturgue galvanisante, The Everlasting. J’ai une pleine liste de chansons à diffuser le jour de mes funérailles ; celle-là se trouve seule sur la page suivante, chanson à passer en boucle dans le cas où je vivrais éternellement.
14) Luscious Jackson – “Coconut icee” (Arbobo)
Extrait de “Baby DJ” – 2013– Indie pop
On avait perdu les Luscious Jackson, pionnères new yorkaises qui surent inventer un son pop moderne et imposer des chansons de “strong women” dans un registre différent des riot grrrrls. On les retrouve, visiblement jeunes mamans d’après le contenu de ce disque, et toujours aussi douées. Tout le nouvel album est fait pour leurs gamin.e.s, mais sans renier le style de composition qui fit mouche dans les années 90. Les paroles s’en ressentent, mais après tout la plupart des chansons pop pourraient avoir comme refrain “shake your little booty”.
15) Iron & Wine – “Walking Far From Home” (Christophe Gauthier)
Extrait de “Kiss Each Other Clean” – 2011 – Indie folk psychédélique
Généralement, les barbus folkeux à la voix susurrante, c’est pas mon truc. Du coup j’avais un peu vite classé Samuel Beam, alias Iron & Wine – la faute sans doute à la BO du film Garden State, sur laquelle il figure. Et puis l’autre soir, un pote a mis le plus récent Kiss Each Other Clean et j’ai vite revu mon jugement. Il a suffi pour cela de Walking Far From Home, premier titre lancinant aux ambiances changeantes et teintées de psychédélisme. Faudrait que je sois moins catégorique avec les barbus à l’avenir.