Parmi les nombreuses coquetteries des groupes, celle-ci est presque inédite. Le premier album des Sunday Bell Ringers portait le nom du groupe (ce que par abus de langage on qualifie d’ « éponyme »). Le nom d’album est donc identique, mais c’est le nom du…groupe qui a changé, se résumant maintenant à son sigle. Mais tout ceci est anecdotique. Par contre, la musique elle-même a évolué et je propose qu’on en parle. Ça vous dit ?
Cet album est prêt, gravé, imprimé depuis un petit temps, mais il ne sort que maintenant. Fort heureusement, ils sont restés chez les toujours excellents Zeal Records, dont les publications (Isbells, Marble Sounds, Low Vertical mais aussi Toman) se voient constellées d’étoiles dans nos colonnes. En cette période de sorties pléthoriques, il est toujours bon de pouvoir se reposer sur la certitude du label louvaniste. Il y a toujours eu pléthore de sorties, et les labels restent plus que jamais des repères. On n’en est pas encore au même point qu’en musique électronique. S’il est possible de dire qu’on écoute “du bpitch”, “du Get Physical” ou “du Border Community”, il n’est pas encore habituel de dire qu’on aime Secretly Canadian ou Bella Union. En la matière, l’exception est Sub Pop, mais on vous en a déjà longuement parlé. On ne remerciera donc jamais assez ce genre de labels de donner leur chance à des talents pareils.
Etrangement, c’est le morceau MAY qui avait été choisi pour mettre l’eau à la bouche et on remarque que ce n’est pas ce qu’on entend de plus excitant sur cet album. Mais il avait au moins le mérite de signaler les intentions du groupe, de manifester sa volonté de puissance. Pour tenter une analogie flamande, c’est un peu l’album que Soulwax n’est pas arrivé à faire.
Quand on réécoute le premier album, en fait, tout était déjà là, en germe, mais était mélangé à d’autres choses qui ont moins droit de cité ici comme le plaisir jamais démenti de beugler à l’unisson. C’était d’ailleurs ça qui nous avait plu, cette dose d’énergie qui pouvait aussi bien venir des machines que des chœurs, en faisant paradoxalement quelque chose de neuf. La palette du premier album était large et dans les réussites il y avait le très nerveux Angry Rabbits. C’est donc cette voie qu’ils ont décidé de poursuivre, et bon, pourquoi pas après tout, surtout qu’ils se sont donné les moyens de réussir.
Le curseur est donc résolument tourné vers l’électronique. Alors qu’on pouvait évoquer Arcade Fire pour le premier album (par moments, j’en conviens), ils ont d’emblée poussé l’électronique bien plus loin que ne le feront jamais des Montréalais. On retrouve pourtant des traces de leur première façon, de leurs premiers mélanges, comme sur les chœurs et l’intensité de Wild Cats, le meilleur morceau de l’album qui est un des seuls à proposer plusieurs facettes. Et on replonge, instantanément, complétement. April est plus calme, comme pour montrer que ce n’est pas un album sans nuances et misant tout sur l’énergie. Tout n’est pas entamé avec le doigt dans la prise puisqu’ils terminent par un Horse Song qui se rappelle à notre bon souvenir.
Le son est si puissant et dense qu’il peut se contenter d’un tempo plus lymphatique (Twin Peaks avant que la batterie ne réveille le tout) ou d’un morceau plus linéaire (Electro Joe). Mais on sent aussi tellement d’implication sur Change Color qu’on ne peut que céder. C’est peut-être moins touchant que leurs compagnons de label Low Vertical mais diablement efficace.
Pour son second album, la formation de Joeri Cnapelinckx a donc pris ses responsabilités, choisi nettement sa voie, en décidant qu’elle miserait sur la puissance. Mais fort heureusement, le résultat n’est pas dénué de finesse et d’humanité. Ce n’est pas un remix bourrin de morceaux qui nous est proposé, mais une collection de pêches fortes et douces à la fois. Certes, ceux qui étaient clients des Sunday Bell Ringers pour cette fraicheur auront peut-être besoin d’un peu de temps d’adaptation, mais au final ils pourront, comme moi, retrouver le plaisir d’écouter ce groupe qui promet encore tellement.